CSE : Agir en instance unique Référence : CSE.06.2.170

Rendre un avis sur les changements liés à la durée du travail

Effectifs concernés : 50 et +

Le comité social et économique dispose de différents cadres pour s'intéresser aux questions de décompte du temps de travail, de durée du travail, d'horaires de travail ou d'aménagements individuels ou collectifs du temps de travail. L’employeur doit procéder à plusieurs consultations du comité sur ces sujets.

Dans cette page

Analyse

1) Les consultations ponctuelles obligatoires

Lorsque l’employeur envisage un projet touchant certaines dispositions encadrant la durée du travail, il doit parfois recueillir un avis préalable rendu par le comité social et économique (CSE).

Comme pour toute consultation, l’employeur doit alors suivre la procédure en remettant dans un premier temps des informations sur le projet puis laisser le temps aux élus d’analyser le projet et de transmettre leurs observations. L’employeur ayant répondu aux observations, les élus titulaires rendent alors un avis favorable ou défavorable au projet, en motivant leur décision.

Une procédure d’information-consultation ponctuelle est obligatoirement organisée :

  • sur le mode d’organisation des astreintes et les compensations accordées aux salariés, dès lors qu’aucun accord d’entreprise ou convention collective ne prévoit ces points dans l’entreprise ;
  • sur les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité, dès lors qu’aucun accord d’entreprise ou convention collective ne prévoit ce point dans l’entreprise ;
  • sur le programme indicatif de la durée du travail en cas d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, dès lors qu’aucun accord d’entreprise ou convention collective ne prévoit ce point dans l’entreprise ;
  • sur la mise en place du travail à temps partiel, dès lors qu’aucun accord d’entreprise ou convention collective étendue ne prévoit ce point dans l’entreprise ;
  • sur la contrepartie au temps de déplacement professionnel dépassant le temps de trajet habituel, dès lors qu’aucun accord d’entreprise ou convention collective ne prévoit ce point dans l’entreprise ;
  • sur le recours aux équipes de suppléance, dès lors qu’aucun accord d’entreprise ou convention collective ne prévoit ce point dans l’entreprise ;
  • sur la réalisation d’heures supplémentaires hors contingent dans les entreprises couvertes par un accord d’entreprise ou une convention collective sur les heures supplémentaires ;
  • sur le travail de façon continue pour des raisons économiques et l’attribution du repos hebdomadaire par roulement, dès lors qu’aucun accord d’entreprise ou convention collective étendue ne prévoit ce point dans l’entreprise ;
  • pour dépasser la durée maximale hebdomadaire en cas de circonstances exceptionnelles ou dans les cas particuliers autorisés par l’inspection du travail ;
  • pour définir la période de travail de nuit, dès lors qu’aucun accord d’entreprise ou convention collective ne prévoit ce point dans l’entreprise ;
  • pour dépasser la durée quotidienne de travail de nuit en cas de circonstances exceptionnelles ;
  • pour dépasser la durée maximale hebdomadaire moyenne en cas de circonstances exceptionnelles ;
  • pour dépasser la durée maximale journalière en cas de situations exceptionnelles, d’exécution de travaux urgents, de prévention d’accidents imminents, de réparation d’accidents survenus au matériel, aux installations ou aux bâtiments.

Dans certaines situations, l’employeur doit recueillir un avis conforme des élus pour lancer le projet. Faute de vote favorable exprimé par la majorité des élus titulaires présents lors de la réunion au cours de laquelle a lieu le suffrage, l’employeur doit donc renoncer au projet. Cet avis conforme est requis pour :

  • la mise en place d’un dispositif d’horaires individualisés. Ce dispositif permet aux salariés de reporter dans une certaine limite des heures d’une semaine à l’autre, excluant l’application des compléments pour heures supplémentaires en contrepartie de la souplesse offerte au salarié ;
  • le remplacement du paiement des heures supplémentaires et de leur majoration par l’attribution de repos compensateur équivalent, sous réserve que l’entreprise soit dépourvue de délégué syndical.

2) La compétence générale du comité

Lorsque les élus du CSE sont alertés d’un projet envisagé par l’employeur qui va avoir pour conséquence d’affecter la durée du travail des salariés, ils doivent demander à être informés et consultés sur ce projet.

C’est au secrétaire de demander l’inclusion de ce point à l’ordre du jour d’une prochaine réunion du CSE, sur le fondement de la compétence générale du comité décrite dans l’article L. 2312-8 du Code du travail.

Par exemple, un déménagement des locaux de l’entreprise peut avoir un impact sur la durée du travail de tous les salariés, ou à tout le moins sur leur temps de trajet et les temps de déplacement entre les différents établissements de l’entreprise.

Une modification importante de l’horaire collectif peut aussi avoir un impact important, l’obligation de consultation préalable du CSE étant rappelée dans une circulaire ministérielle. À noter qu’un manquement ici de l’employeur est constitutif d’un délit d’entrave au fonctionnement de l’instance mais ne permet pas aux salariés de refuser de respecter le nouvel horaire collectif.

Par exception, lorsqu’un accord d’entreprise est négocié entre l’employeur et les délégués syndicaux, l’employeur est dispensé de procéder à une information-consultation du CSE préalablement à la signature de cet accord, même s’il aura des conséquences sur la durée du travail des salariés.

Si l’entreprise envisage de mettre en place des horaires décalés pour faire face aux difficultés de transport liées aux Jeux olympiques puis paralympiques, il doit aussi par principe procéder à une information et à une consultation préalable du CSE comme le rappelle le ministère du Travail.

3) La consultation obligatoire sur la politique sociale de l’entreprise

Les élus du CSE doivent être régulièrement consultés par l’employeur sur la politique sociale de l’entreprise. Cette consultation récurrente obligatoire peut voir son contenu, ses modalités et sa fréquence aménagés par un accord d’entreprise conclu avec les délégués syndicaux ou, à défaut de délégués syndicaux, avec la majorité des élus titulaires du CSE.

Faute d’un tel accord, les élus du CSE doivent être informés et consultés chaque année sur cette politique sociale, et notamment sur la durée du travail dans l’entreprise.

À ce titre, les élus se voient remettre dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) des informations sur :

  • les heures supplémentaires accomplies dans la limite et au-delà du contingent annuel applicable dans l'entreprise ;
  • à défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement ;
  • le bilan du travail à temps partiel réalisé dans l'entreprise. Ce bilan doit comprendre le nombre, le sexe et la qualification des salariés concernés, ainsi que les horaires de travail à temps partiel pratiqués et le nombre d'heures complémentaires accomplies par les salariés à temps partiel. L’employeur doit expliquer les raisons qui l'ont amené à refuser à des salariés à temps complet de passer à temps partiel et à des salariés à temps partiel de travailler à temps complet ;
  • le nombre de demandes individuelles formulées par les salariés à temps partiel pour déroger à la durée hebdomadaire minimale ;
  • la durée, l'aménagement du temps de travail, la période de prise des congés payés, les conditions d'application des aménagements de la durée et des horaires lorsqu'ils s'appliquent à des salariés à temps partiel, le recours aux conventions de forfait et les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés.

Plus précisément, la base de données économiques, sociales et environnementales reprend des informations détaillées dans la rubrique « investissements » sous-rubrique « investissement social ».

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, doivent figurer dans la BDESE : l’horaire hebdomadaire moyen affiché des ouvriers et employés ou catégories assimilées (il est possible de remplacer cet indicateur par la somme des heures travaillées durant l'année), le nombre de salariés ayant bénéficié d'un repos compensateur au titre du Code du travail et du Code rural et de la pêche maritime et au titre d'un régime conventionnel, le nombre de salariés bénéficiant d'un système d'horaires individualisé, le nombre de salariés employés à temps partiel entre 20 et 30 heures (au sens de l'article L. 3123-1) et en autres formes de temps partiel, le nombre de salariés ayant bénéficié tout au long de l'année considérée de 2 jours de repos hebdomadaire consécutifs, le nombre moyen de jours de congés annuels (non compris le repos compensateur), le nombre de jours fériés payés, etc.

Mise en pratique

Les élus amenés à travailler sur les sujets de la durée du travail doivent les aborder avec une vision large de leurs impacts. Car la durée du travail a une place centrale au sein des relations de travail. Tout changement peut venir toucher la rémunération des salariés, leur santé, l’équilibre vie privée et vie professionnelle, l’emploi, le pouvoir disciplinaire, etc. Une augmentation des heures supplémentaires réalisées dans l’entreprise va venir augmenter la rémunération des salariés mais elle touche l’équilibre vie privée et vie familiale et la santé des salariés concernés et peut venir réduire le nombre d’embauches dans l’entreprise.

Au cours des consultations portant sur la durée du travail, les élus doivent vérifier si l’employeur respecte les règles juridiques, en plus de vérifier les impacts des choix sur l’absentéisme, la performance économique de l’entreprise, la santé des salariés, etc. L’analyse des règles juridiques devant être respectée par l’employeur sur la durée du travail est complexe. Il faut croiser les dispositions figurant dans le Code du travail, dans la convention collective, dans un éventuel accord d’entreprise et dans le contrat de travail. Ce travail se révèle complexe, d’autant plus que la hiérarchie entre ces différentes sources change selon le point de droit à vérifier. En cas de doute, les élus peuvent se rapprocher des délégués syndicaux qui négocient des accords sur la durée du travail et qui en maîtrisent en principe le cadre juridique. À défaut, les élus doivent consulter la documentation juridique ou recourir aux services d’un expert juridique.

Références aux textes officiels

C. trav., art. L. 2312-8 (champ de compétence générale du comité), L. 2312-26 (dispositions supplétives sur la consultation sur la politique sociale de l’entreprise), L. 3121-12 (astreinte),  L. 3121-48 (horaires individualisés), L. 3121-21 et L. 3212-26 (dépassement de la durée maximale hebdomadaire), R. 3122-2 et R. 3122-5 (dépassement de la durée maximale quotidienne), L. 2131-37 (repos compensateur de remplacement), R. 3123-1 et L. 3123-15 (bilan du temps partiel), L. 3122-6 (dépassement de la durée maximale quotidienne de travail de nuit), L. 3122-22 (période de travail de nuit), R. 3121-16 (dépassement de la durée maximale hebdomadaire moyenne), L. 3121-8 (temps de déplacement professionnel), L. 3132-18 (équipe de suppléance de fin de semaine), L. 3132-14 (travail en continu), L. 3121-33 (heures supplémentaires hors contingent dans les entreprises couvertes par accord), L. 3123-26 (mise en place du travail à temps partiel), D. 3121-27 (programme indicatif en cas d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine), L. 3133-12 (journée de solidarité)

Circulaire DRT n° 93-9, du 17 mars 1993 (avis du CSE préalable à une modification importante de l’horaire collectif de travail)

Cass. soc., 18 septembre 2019, n° 17-31.274 (impact du défaut de consultation annuelle sur la politique sociale en cas d’accord d’annualisation du temps de travail)

Cass. soc., 7 mai 2024, n° 22-23.032 (conséquences de l’absence de consultation du CSE préalable à une modification importante de l’horaire collectif de travail)

Fiches associées