Comment détecter une charge de travail excessive ?
Réponse
La jurisprudence définit la surcharge de travail comme l'inadéquation d'une partie ou de l'ensemble des moyens dont dispose un salarié pour effectuer les tâches qui lui sont demandées.
Elle considère que l'absence de prise en compte par l'employeur des risques psychosociaux au sein de son entreprise entraîne de sa part une violation de son obligation de sécurité. Cette violation affecte la validité de la rupture du contrat de travail du salarié, prononcée alors aux torts de l'employeur, et ce, quelle que soit la nature de cette rupture (licenciement, rupture conventionnelle, résiliation judiciaire).
L'absence prolongée pour maladie du salarié, qui perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise, ne peut pas être invoquée par l'employeur à l'appui d'un licenciement pour nécessité de remplacement lorsque la maladie du salarié résulte d'une surcharge de travail et de stress conduisant à un épuisement professionnel de nature à entraîner une dégradation de son état de santé et susceptible de caractériser un lien entre la maladie du salarié et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Le licenciement pour inaptitude d’un salarié dont l’état de santé s’est dégradé à la suite d’une surcharge de travail, signalée lors de l’entretien individuel annuel, est sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur qui ne justifie pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels permettant d’évoquer la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle manque à son obligation de sécurité.
De même, le fait de laisser les salariés déclarer leurs heures supplémentaires ou d’ouvrir une négociation collective sur la question du temps de travail et des moyens de contrôle ne suffit pas à démontrer que l’obligation de sécurité et de contrôle de la durée du travail a été respectée.
Ou encore le fait que l’employeur n’ait jamais réagi aux multiples alertes du salarié sur sa santé et son épuisement et qu’il l’ait incité à reprendre le travail à la suite d’un accident non professionnel constitue des éléments que le juge doit prendre en compte pour apprécier l’existence d’un harcèlement moral.
Dans le cadre de son obligation de prévention, l’employeur a l’obligation de réagir lorsqu’un salarié se plaint d’une charge de travail qu’il juge excessive.
En effet, l’employeur doit mesurer les risques psychosociaux liés au stress et aux organisations du travail anxiogènes ainsi qu’aux risques de burn-out liés à une charge de travail excessive, et cela, au titre de son obligation de sécurité de résultat. Dès lors, de manière générale, il doit se pencher sur la question, a fortiori en cas de réclamation de la part d’un ou de plusieurs salariés.
Rappelons que l'employeur manque à son obligation de sécurité quand il ne justifie pas avoir pris les dispositions nécessaires pour garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et lui assurent une bonne répartition dans le temps du travail. S’agissant des salariés en forfait jours, le non-respect de la périodicité de l’entretien de suivi de la charge de travail obligatoire entraîne la nullité de la convention de forfait au titre du manquement à l’obligation de sécurité. Le fait que, lors de ces entretiens de suivi, le salarié n’ait jamais formulé de remarque particulière sur son rythme de travail ou l’amplitude de ses horaires n’exonère pas l’employeur de respecter son obligation de sécurité et de contrôle de la charge de travail.
Au préalable, l’employeur doit enquêter afin de recueillir les éléments nécessaires et vérifier s’il existe des éléments concrets pour établir l’existence d’une surcharge de travail (stress, temps de travail excessif, charge mentale importante, etc.) ou s’il s’agit d’un simple « ressenti » du salarié qui n’est pas justifié par une réalité quelconque.
Le CSE doit porter toute réclamation individuelle ou collective sur ce point particulièrement sensible à l’employeur. Il dispose d’un droit d’alerte et peut ainsi solliciter l’ouverture d’une enquête interne, surtout en cas de situation de souffrance au travail. Il peut également saisir le juge en référé pour faire cesser la situation, à condition que le salarié en cause ne s’y oppose pas.
Le fait que le CSE ou un syndicat ait exercé une action pour faire ordonner la réalisation d’une enquête, n’empêche pas le salarié concerné d’engager ultérieurement une action au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
De manière générale, la question de la charge de travail excessive rejoint le cadre plus général des risques psychosociaux.
Toute la difficulté réside cependant dans le fait de distinguer réalité objective et ressenti du salarié qui s’estime victime : les représentants du personnel doivent s’abstenir d’accuser l’employeur avant d’avoir pu vérifier la réalité des faits. C’est la raison pour laquelle, le CSE doit, de son côté, procéder à une analyse de la situation.
Sachez enfin, que la détection d’une charge de travail excessive ne résulte pas forcément d’une plainte directe du salarié concerné, du stress ou de tensions relationnelles qui sont facilement détectables car visibles. D’autres signaux d’alerte, plus insidieux, peuvent également être constatés : baisse de performance, dépassement des délais, mauvaise humeur, impolitesse avec la clientèle ou les collègues de travail, absences injustifiées, courts arrêts de travail, etc.
Bien entendu, un seul de ces signaux ne saurait à lui seul caractériser cette situation mais il conviendra alors de les prendre tous en compte et de croiser ces éléments en interrogeant l’équipe et les collègues de travail.
Le burn-out, syndrome d’épuisement souvent lié à de mauvaises conditions de travail, ne fait actuellement pas partie du tableau des maladies professionnelles. Cependant, il peut être reconnu « hors tableau » comme maladie professionnelle dès lors qu’il est établi qu'il est essentiellement et directement causé par le travail habituel du salarié et qu'il entraîne le décès de celui-ci ou une incapacité́ permanente dépassant un seuil de 25 % d’incapacité́ permanente.
Références aux textes officiels
C. trav., art. L. 4121-1 (obligations de l’employeur)
Cass. soc., 13 avril 2023, n° 21-20.043 (absence d'entretiens annuels permettant d’évoquer la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle : manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur)
Cass. soc., 5 juillet 2023, n° 21-24.122 (absence de contrôle de la durée du travail et manquement à l’obligation de sécurité)
Cass. soc., 25 octobre 2023, n° 21-24.933 (absence de réaction face au signalement d’un épuisement professionnel : harcèlement)
Cass. soc., 10 janvier 2024, n° 22.13.200 (le non-respect de la périodicité de l’entretien de suivi de la charge de travail obligatoire des salariés en forfait jours entraîne la nullité de la convention de forfait au titre du manquement à l’obligation de sécurité)
Cass. soc., 27 mars 2024, n° 22-17.078 (le fait que, lors de l’entretien de suivi, le salarié n’ait jamais formulé de remarque particulière sur son rythme de travail ou l’amplitude de ses horaires n’exonère pas l’employeur de respecter son obligation de sécurité et de contrôle de la charge de travail des salariés en convention de forfait jours)
Cass. soc., 18 septembre 2024, n° 23-14.652 (surcharge de travail : licenciement sans cause réelle lorsque l’inaptitude résulte d’un manquement de l’employeur)