Négocier sur les consultations récurrentes du CSE et le contenu de la BDESE : la fausse bonne idée ?
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Dans le cadre du comité social et économique (CSE), le législateur a permis qu’un grand nombre de sujets soient ouverts à la négociation. Ainsi, qu’il s’agisse de certaines modalités de fonctionnement de l’instance ou de la réalisation de prérogatives particulières du comité, les négociateurs ont désormais la possibilité d’aménager par voie conventionnelle des pans entiers du comité social et économique. Mais négocier est-ce toujours une bonne option ? Illustration avec les consultations récurrentes du CSE.
Négocier sur les consultations récurrentes du CSE : ce que dit la loi
Les dispositions d’ordre public du Code du travail prévoient que le comité social et économique est consulté sur :
- Les orientations stratégiques de l'entreprise ;
- La situation économique et financière de l'entreprise ;
- La politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.
Au cours de ces consultations, le comité est informé des conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise.
Attention
Il n’est pas possible de déroger à ces dispositions.
Le terme « récurrent » indique que ces consultations ont lieu à échéances fixes, déterminées soit par un accord d’entreprise, soit par le Code du travail.
Cependant, un accord d'entreprise majoritaire, ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, peut définir :
- le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du CSE ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations ;
- le nombre de réunions annuelles du comité, qui ne peut être inférieur à six ;
- les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation ;
- les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus.
Cet accord peut également prévoir la possibilité pour le comité social et économique d'émettre un avis unique portant sur tout ou partie des thèmes de consultation périodiques.
Attention
Il est possible d’aménager la périodicité des consultations, mais l'accord ne peut envisager une durée supérieure à trois ans.
Il est également possible de négocier, dans le cadre d’un accord de groupe, que la consultation sur les orientations stratégiques soit effectuée au niveau du comité de groupe. Cet accord prévoit alors les modalités de transmission de l'avis du comité de groupe :
- à chaque comité social et économique du groupe, qui reste consulté sur les conséquences de ces orientations stratégiques ;
- à l'organe chargé de l'administration de l'entreprise dominante de ce groupe.
Le support informatif de ces consultations récurrentes étant la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), le législateur a également autorisé son aménagement par voie d’accord.
Dans ce cadre, un accord d’entreprise majoritaire ou, en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité peut définir :
- l'organisation, l'architecture et le contenu de la BDESE ;
- les modalités de fonctionnement de la base de données, notamment les droits d'accès et le niveau de mise en place de la base dans les entreprises comportant des établissements distincts, son support, ses modalités de consultation et d'utilisation.
L'accord peut également intégrer dans la base de données les informations nécessaires aux négociations obligatoires prévues à l'article L. 2242-1, soit :
- la négociation sur la rémunération ;
- la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
L’accord portant sur la BDESE peut également prévoir que cette dernière contiendra les informations relatives aux consultations ponctuelles du comité social et économique.
A défaut d'accord, un accord de branche peut définir l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données dans les entreprises de moins de 300 salariés.
Négocier sur les consultations récurrentes du CSE : bien réfléchir avant d’agir
Le Code du travail prévoit des dispositions supplétives lorsque les sujets ouverts à la négociation n’ont pas fait l’objet d’un accord.
Cependant, ces dispositions sont globalement assez peu avantageuses pour le CSE ; le législateur ayant dans l’idée qu’un tel plancher conduira majoritairement à des négociations qualitatives…. Ce qui reste à prouver.
Néanmoins, cet état de fait doit interroger sur la pertinence d’une négociation sur les consultations récurrentes.
En effet, il peut être tentant d’aménager leur contenu, leur périodicité et leurs modalités.
Mais dans ce cas, les questions préalables à se poser sont les suivantes :
- actuellement, sommes-nous informés et consultés sur ces thématiques conformément aux règles légales en vigueur ?
- l’information fournie par l’employeur par le biais de la BDESE correspond-elle au contenu prévu par le Code du travail en l’absence d’accord et est-elle suffisamment étayée ?
Malheureusement en pratique, les réponses à ces interrogations sont rarement positives.
Peut-être alors vaut-il mieux préalablement fixer un cadre de travail qui respecte la base légale (ordre public et dispositions supplétives), avant de se lancer dans une négociation qui pourrait s’avérer savonneuse.
Par exemple, au regard de la charge de travail des élus, l’idée de moduler ces consultations sur deux ou trois ans en lieu et place d’une périodicité annuelle en l’absence d’accord peut sembler censée.
Mais cela sous-entend alors que le CSE devra analyser une masse d’informations correspondant à deux ou trois années d’activité, ce qui est un travail extrêmement conséquent à la vue du contenu de ces trois consultations récurrentes.
De même, en pratique la BDESE est rarement complète. Dans ce cas, quel est l’intérêt d’une négociation pour en adapter le contenu ?
Il semble plus pertinent de s’assurer de disposer de l’ensemble des informations prévues aux articles R. 2312-8 et R. 2312-9 qui fixent le contenu de la base en l’absence d’accord qui est déjà très conséquent, avant d’envisager une quelconque négociation qui aménagerait les informations devant être renseignées par l’employeur.
Avis d’expert
L’idée n’est pas ici de décourager les volontés de négociation, mais de préconiser des adaptations éclairées, qualitatives et qui correspondent aux besoins des élus du CSE au regard de leur réalité de terrain.
Entamer une négociation lorsque les dispositions légales basiques ne sont pas respectées au sein de l’entreprise semble de toute évidence peu pertinent, car cela biaise de facto le socle légal servant de base aux pourparlers.
Négocier, pourquoi pas… Mais en connaissance de cause.
Des questions sur les négociations ? La documentation « CSE ACTIV » comporte toute une partie dédiée à la négociation collective.
Gérant de la société FOKUS dédiée à la formation et à l'accompagnement des représentants du personnel (www.fokus-cse.com)
https://www.fokus-cse.com
Juriste et formateur en droit social
Spécialiste des relations sociales
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