Harcèlement moral : la responsabilité pénale est conditionnée à la conscience du délit
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Les salariés peuvent être victimes de harcèlement moral. Ils ont alors la possibilité d’en demander la reconnaissance en justice. Afin d’obtenir une indemnisation, ou pour que l’auteur des faits soit sanctionné. Mais l’auteur du délit doit avoir eu l’intention de le commettre pour que sa responsabilité pénale soit reconnue. En matière de harcèlement moral, cela se traduit par sa conscience de la dégradation des conditions de travail de la victime.
Harcèlement moral : la possibilité d’intenter des actions judiciaires civiles et pénales
En droit du travail, pour considérer qu’un salarié est victime de harcèlement moral, 2 conditions doivent être remplies :
- le salarié doit subir des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail ;
- cette situation doit être susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.
Les salariés peuvent saisir le conseil de prud’hommes pour différents motifs liés à une situation de harcèlement moral. Ils doivent dans ce cas présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. La personne accusée devra prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral. Mais qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs. Le juge formera sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Exemple
Les salariés peuvent demander la nullité de leur licenciement ou de tout autre acte dont le harcèlement constitue la cause. Mais aussi des dommages et intérêts en réparation du harcèlement subi. Ou encore une indemnisation liée à la méconnaissance par l’employeur de son obligation de prévention du harcèlement.
Mais les salariés peuvent également déposer plainte pour harcèlement moral. Ces propos ou comportements peuvent en effet constituer un délit puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende (Code pénal, art. 222-33-2).
Pour connaître toutes les sanctions civiles et pénales encourues en cas de harcèlement moral, vous pouvez télécharger notre document dédié.
Cependant, en droit pénal, le harcèlement moral ne peut être reconnu que si son auteur avait l’intention de commettre de tels actes. Car « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » (Code pénal, art. 121-3).
Bon à savoir
L’intention n’est pas requise en droit du travail. Le conseil de prud’hommes peut donc reconnaître l’existence d’un harcèlement moral même en cas de relaxe au pénal.
La chambre criminelle de la Cour de cassation vient à cet égard de rappeler qu’en matière de harcèlement moral, l’intention est caractérisée par la conscience de commettre un harcèlement moral et de contrevenir à la loi.
Harcèlement moral : l’exigence de la conscience du délit en matière pénale
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, une salariée, médecin du travail, s’est suicidée en rejetant la responsabilité de son acte sur son employeur. Elle l’accusait de harcèlement moral.
Une plainte a été déposée pour ce motif au nom des membres de sa famille et de plusieurs syndicats professionnels. A l’issue d’une enquête préliminaire, le procureur de la République a saisi un juge d’instruction des chefs de harcèlement moral et homicide involontaire. Mais le juge a rendu une ordonnance de non-lieu.
En l’espèce, l’association avait augmenté le nombre d’entreprises que la salariée devait gérer. Cela avait abouti au dépassement de la durée légale du travail. Elle avait alors été contrainte de refuser des demandes de visites de salariés ou d’employeurs. Ses conditions de travail avaient été dégradées de ce fait. Ces éléments étaient susceptibles de caractériser l’élément matériel du délit de harcèlement moral pour le juge.
Mais rien ne permettait d’établir selon lui l’élément moral de cette infraction. A savoir la conscience de commettre un harcèlement moral et de contrevenir à la loi. En effet :
- en dépit d’un courrier adressé à son employeur évoquant un « burn out », la salariée avait été déclarée apte à exercer ses fonctions et aucun symptôme de dépression ou de dangerosité pour elle-même ne ressortait de l’examen de son dossier médical ;
- son employeur avait formulé plusieurs propositions afin de la décharger de certains effectifs dont elle avait le suivi et lui avait demandé de changer sa manière de travailler, mais la salariée s'y était toujours opposée ;
- les attributions de nouvelles entreprises aux autres médecins salariés de l'association n'étaient pas ressenties par ces derniers comme créant une surcharge de travail. Plusieurs collègues de la salariée ont estimé à cet égard que son cabinet n'était pas plus chargé que le leur. Et indiquaient qu'elle avait une personnalité perfectionniste et s'imposait un rythme de travail très important, alors que la direction se montrait compréhensive et n'imposait aucune pression particulière à ses médecins, qui dans le cadre de leurs fonctions disposaient d'une large autonomie d'organisation.
Les parties civiles ont contesté cette décision. Mais la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que le juge d’instruction avait justifié sa décision. Aucun élément du dossier ne permettant d'établir que l’association ou ses dirigeants avaient conscience d'aboutir à la dégradation des conditions de travail de la salariée par l'attribution de nouvelles entreprises à son cabinet.
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Cour de cassation, chambre criminelle, 22 février 2022, n° 21-82.266 (la responsabilité pénale en cas de harcèlement moral est conditionnée à la conscience de commettre de tels agissements)
Juriste en droit social
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