Comment évaluer les risques ?

Publié le 05/06/2024 à 07:18 dans Risques professionnels.

Temps de lecture : 5 min

Bien souvent, le premier terme qui nous vient à l’esprit en évoquant l’évaluation des risques est le document unique d’évaluation des risques professionnels, ou DUERP. Comment faire de ce document, qui traîne bien souvent dans les armoires ou au fin fond des disques durs des préventeurs, un outil dynamique ?

Le DUERP : une contrainte légale

Le DUERP est obligatoire en France depuis novembre 2001.

Plus précisément, le Code du travail impose à tout employeur de réaliser une évaluation des risques professionnels auxquels sont exposés ses salariés et de consigner les résultats de cette évaluation dans un document unique.

Le DUERP doit être mis à jour au moins une fois par an, mais également en cas de changement dans l'organisation du travail, dans les conditions d'exercice des activités ou des technologies utilisées, ou encore en cas d'apparition de nouveaux risques. Il doit être mis à la disposition des salariés, anciens salariés, ainsi que des représentants du personnel.

Bien plus qu’une contrainte légale, il s'agit, à mon sens, de la pierre angulaire de la prévention des risques professionnels.

1re étape : définir une méthodologie d’identification des risques

Étape trop souvent négligée, l’identification des risques demande une méthodologie définie au sein de l’entreprise de manière à aligner tous les collaborateurs dans la formulation des risques observés.

On réduit bien souvent l’exercice de l’évaluation des risques aux domaines QHSE (qualité, hygiène, sécurité et environnement). Mais dans beaucoup de grands groupes, il s’agit d’un exercice bien plus large de management des risques, englobant des thématiques business, financières, humaines ou encore de réputation. J’ai toujours été un fervent promoteur d’une approche de la gestion des risques au sens large, et non centrée uniquement sur les aspects QHSE : cela permet d’établir un outil puissant dans la culture d’entreprise.

Revenons donc à la méthodologie d’identification des risques. Avec un peu de formation et quelques conseils, nous sommes tous capables d’éveiller notre œil de chasseur de risques mais l’étape clé demeure celle de la fameuse retranscription dans le DUERP. Pour faciliter cela, je préconise la mise en place d’une phrase type permettant de compléter ce qui constitue bien souvent les premières colonnes de notre document : Danger / Risque / Conséquence. Cette phrase peut prendre la forme suivante : « A cause d’un trou dans le sol (Danger), il y a un risque de chute de plain-pied (Risque) pouvant générer un accident de travail avec arrêt (Conséquence) ».

La puissance de cette phrase tient dans sa capacité à reformuler les situations, les scénarios observés et à ainsi partager autour d’un vocabulaire commun, dans l’objectif de s’aligner autour d’un constat commun. Cela paraît simple mais il convient ici de lever un écueil bien connu des préventeurs : la subjectivité du 3e élément cité : les conséquences.

2e étape : fixer les règles de cotation

Unique calcul du domaine, le fameux Risque = Probabilité x Gravité est au préventeur ce que e = mc2 est aux scientifiques. Si cette formule décrit la relativité, la nôtre pourrait, quant à elle, vite décrire la subjectivité. Comme mentionné plus haut, il s’agit ici d’une des difficultés principales de l’évaluation des risques : la mise en place d’une grille de cotation permettant objectivement de scorer les risques identifiés.

C’est pourquoi, en demandant à mes collègues de formuler le risque observé, j’ajoute bien souvent de vouloir considérer, en tant que conséquence, le pire scénario crédible (« worst credible scenario »). Alors oui, on peut décéder d’une chute de plain-pied mais le pire scénario crédible est sans doute un accident de travail avec ou sans arrêt en fonction de l’environnement de travail, contrairement à un travail en hauteur où la discussion n’aura pas lieu et où l’accident mortel constitue la pire conséquence crédible.

On peut alors imaginer une échelle de gravité à différents niveaux allant par exemple de « 1 = premiers soins » à « 5 = accident mortel » en passant par accident de travail sans/avec arrêt, maladie professionnelle, incapacité de travail, etc.

Côté probabilité, cette notion pose beaucoup moins de questions étant donné qu’on l’associe généralement à une tâche exposant au risque observé et que cette tâche possède une fréquence de réalisation. Dans mon exemple, si le trou est présent sur une voie de circulation piétonne de l’entreprise, la probabilité sera élevée (score de 4 = élevée ou 5 = quasi certaine sur une échelle de 1 à 5).

3e étape : mitiger

Dernière étape : mettre en valeur vos actions !

Les 2 étapes identifiées plus haut vous ont permis de coter ce que nous appelons un risque brut ou encore initial, mais fort de votre volonté et de votre culture d’entreprise, vous avez mis en place des mesures de prévention répondant aux principes généraux de la prévention que nous pouvons résumer avec la hiérarchie suivante :

  1. Eliminer ;
  2. Réduire ;
  3. Mesures techniques ;
  4. Mesures organisationnelles ;
  5. Mesures administratives et équipements de protection collective et individuelle.

L’objectif est de passer chacun de vos scénarios au travers de ces 5 tamis. Si vous avez réussi à éliminer (travail au sol plutôt qu’en hauteur) ou à réduire ce qui est dangereux par ce qui est moins dangereux (substituer un produit corrosif par un produit non dangereux) vous pouvez alors réduire la gravité. Si vous n’avez pu intervenir qu’au niveau 3 ou 4, vous pourrez réduire la probabilité d’exposition au risque mais pas sa gravité. Personnellement, je m’interdis de réduire à un niveau acceptable le risque en ne « misant» que sur des contrôles administratifs (instructions, formations) ou la mise en place d’EPI.

Ça y est ! En 3 étapes nous avons mis en place une évaluation des risques. Il convient désormais de la faire vivre et notamment de faire le lien avec un nouvel acronyme dans le monde de la prévention : le Programme Annuel de Prévention des Risques Professionnels et d'Amélioration des Conditions de Travail (« PAPRIPACT »).

Pour en savoir davantage sur l’analyse des risques professionnels et l'établissement du DUERP, les Editions Tissot vous proposent leur documentation « Santé et sécurité au travail ACTIV ».

Julien Mareels auteur

Julien Mareels

Né en 1982 à Lille, Julien MAREELS exerce depuis plus de 20 ans des fonctions dans les domaines de l'Hygiène, la Santé, la Sécurité, la Sureté ou encore l'Environnement. Julien a débuté sa carrière …