Tableau n° 42 des maladies professionnelles sur l’atteinte auditive : l’employeur ne peut plus consulter les audiogrammes du salarié
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La tendance actuelle de la Cour de cassation n’est pas pour plaire aux employeurs. Et pour cause, celle-ci vient une nouvelle fois, par le biais d’un revirement effarant, d’amoindrir les droits de ces derniers en matière d’instruction de maladie professionnelle liée à la surdité.
Audiogramme du tableau n° 42 des maladies professionnelles : rappels
Le tableau n° 42 des maladies professionnelles concerne les atteintes auditives provoquées par les bruits lésionnels. Il impose, dans la colonne « désignation de la maladie », un diagnostic médical extrêmement précis :
- une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ;
- en cas de non-concordance : une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel.
Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.
Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hertz.
En conséquence, seul un audiogramme tonal complété d’un audiogramme vocal permet de caractériser le déficit audiométrique de 35 dB et permet de distinguer la surdité de perception des autres formes de surdité.
A défaut de réalisation dudit audiogramme dans les conditions précitées, la maladie ne peut pas être présumée professionnelle.
En conséquence, la vérification de l’audiométrie constitue un enjeu notable pour l’employeur qui se verra signifier une hausse de ses cotisations AT/MP en cas de prise en charge de la surdité au titre d’une maladie professionnelle.
Evolution progressive de la jurisprudence
Le 11 octobre 2018, la Cour de cassation avait posé un principe fondamental en considérant que les éléments nécessaires à la réunion des conditions du tableau devaient être offerts à la consultation de l’employeur et échappaient de fait, en cas d’élément d’ordre médical, au secret médical (Cass. 2e civ., 11 octobre 2018, n° 17-18.901).
Autrement dit, l’audiogramme prévu au tableau n° 42 devait faire partie des pièces mises à disposition de l’employeur. Cela se justifiait par la nécessité, pour l’employeur, de vérifier que les audiogrammes avaient bien été réalisés dans les conditions très spécifiques du tableau.
Si l’on a pu croire un moment que cette dérogation au secret médical valait également pour tous les éléments de diagnostics médicaux mentionnés expressément dans les autres tableaux de maladies professionnelles, la Cour de cassation a vite mis le holà. C’est ainsi que la teneur de l’examen tomodensitométrique mentionné au tableau n° 30 B des maladies professionnelles est demeurée exclue des pièces du dossier. Il en fut de même pour la teneur de l’IRM mentionnée au tableau n° 57 A des maladies professionnelles.
Il convient d’ailleurs de préciser que la Cour de cassation a une confiance aveugle en la parole du médecin conseil de la CPAM qui ne peut/ne doit jamais être remise en question, et ce, même si elle fait extrêmement grief à l’employeur.
Un revirement rendu nécessaire par des difficultés d’ordre déontologique
Il n’était donc plus question, dans cette tendance actuelle, de permettre à l’employeur d’accéder à une pièce médicale qui aurait pu mettre en péril la parole du médecin conseil en constatant, par exemple, un défaut de concordance entre les audiométries ou une atteinte insuffisante.
En tout état de cause, saisie de la problématique et sensible aux difficultés déontologiques que soulevait sa jurisprudence actuelle, la Haute juridiction a dû faire un choix cornélien entre le principe sacré du secret médical et le modeste principe du contradictoire.
Elle en a conclu que l’employeur ne devait pas être autorisé à consulter une pièce qui comporte des données médicales sur son salarié (alors même que l’employeur est bien au courant que son salarié souffre d’une surdité d’au moins 35 dB sur la meilleure oreille et qu’il a réalisé un audiogramme en cabine insonorisée puisque le salarié a déclaré une maladie professionnelle prise en charge au titre du tableau 42).
Quoiqu’on en pense, la Cour de cassation a eu à cœur de s’assurer qu’un équilibre entre le droit de la victime au respect du secret médical et le droit de l’employeur à une procédure contradictoire était préservé, dès le stade de l’instruction, par la possibilité pour l’employeur de solliciter du juge la désignation d’un expert à qui seront remises les pièces composant le dossier médical de la victime.
Elle s’est toutefois bien gardée de rappeler que l’absence de communication des pièces médicales au médecin conseil de l’employeur ou à l’expert désigné en cas de contentieux médical n’était assortie d’aucune sanction.
Désormais, c’est le tableau n° 98 et son atteinte radiculaire de topographie concordante qui vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête… puisque cette atteinte doit jusqu’à présent pouvoir être caractérisée objectivement, et autrement que par le seul avis du médecin conseil (Cass. 2e civ., 9 juillet 2020, n° 19-13.851)
Cour de cassation, 2ème chambre civile, 13 juin 2024, n° 22-22.786 (la Cour juge désormais que l'audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical)
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