Inaptitude : la non reprise du salaire peut justifier une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur

Publié le 15/01/2025 à 08:16 dans Textes officiels (Santé-Sécurité).

Temps de lecture : 3 min

L’employeur astreint à l’obligation de reclasser un salarié inapte peut, de surcroît, se retrouver tenu à l’obligation de reprendre le versement de son salaire. A défaut de reprise, le salarié pourrait invoquer ce manquement pour rompre son contrat de travail et imputer la responsabilité de la rupture à l’employeur.  Mais encore faut-il que ce manquement soit d’une gravité suffisante.

Inaptitude : rappels sur l’obligation de reclassement et de reprise du salaire

En l’absence de dispense expresse du médecin du travail, la déclaration d’inaptitude d’un salarié active une obligation de reclassement envers l’employeur. 

Ce faisant, il peut arriver que ce dernier se retrouve dans l’impossibilité de s’y conformer ou dans l’incapacité de la mettre en œuvre. Auquel cas, le levier du licenciement pourra être actionné. 

Les démarches de l’employeur, qu’elles s’inscrivent dans la voie du reclassement ou du licenciement, doivent aboutir promptement. Il ne faut pas l’oublier, le Code du travail impose à ce dernier de reprendre le paiement du salaire si, à l’issue du mois suivant la constatation d’inaptitude, le salarié n’est ni reclassé ni licencié. 

Mais attention, l’obligation de reprendre le paiement du salaire ne suspend nullement l’obligation de reclassement. Celles-ci vont, au contraire, coexister de manière autonome.

De fait, en manquant à l’une d’elles, l’employeur commet une faute contractuelle qui risque de lui coûter cher. Et pour cause, si la gravité de son manquement le justifie, il pourra être tenu responsable de la rupture du contrat de travail sollicitée par le salarié.

Rappel

Un salarié peut effectivement, grâce à deux dispositifs que sont la prise d’acte de la rupture et la résiliation judiciaire, obtenir la rupture de son contrat aux torts exclusifs de son employeur. Ce qui, en pratique, signifie que cette rupture emportera les effets d’un licenciement injustifié ou, le cas échéant, d’un licenciement nul. Pourvu, toutefois, que les manquements de l’employeur soient d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite de la relation de travail.

Non reprise du salaire : elle peut justifier une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur

Dans une décision rendue le 18 décembre 2024, la Cour de cassation a réaffirmé que la non reprise du salaire pouvait caractériser un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié. 

Présentement, une salariée avait été injustement privée de salaire pendant 6 mois. Le montant des sommes manquantes s’élevant alors à plus de 31 000 €.

La cour d’appel avait, à tort, considéré que ce manquement était « à lui seul insuffisant à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail » de la salariée. L’affaire devra donc être rejugée. 

Notez le

Dans une décision rendue quelques jours plus tôt, la Haute juridiction avait adopté une solution similaire à l’égard d’un salarié inapte qui, victime de la lenteur de son employeur, avait été maintenu dans une situation d'inactivité forcée.

Précisons, en guise de conclusion, que le manquement de l’employeur à son obligation de reprendre le paiement du salaire ne justifie pas automatiquement une rupture du contrat de travail à ses torts En effet, les juges ont parfois rejeté la prétention du salarié tout en condamnant l’employeur à verser les sommes qui étaient dues. 

Illustration

Dans une décision rendue en 2010, la Cour de cassation avait considéré que le manquement de l’employeur n’était pas d’une gravité suffisante dans la mesure où ce dernier : 

  • avait rencontré des difficultés pour reclasser le salarié ; 

  • et commis son premier manquement en l’espace de 25 années de relations de travail. 

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Cour de cassation, chambre sociale, 18 décembre 2024, n° 23-11.507 (le manquement de l’employeur à son obligation de reprendre le paiement du salaire peut caractériser un manquement suffisamment grave justifiant que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée à ses torts)

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Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot