Rapport parlementaire sur la simplification de la vie des entreprises : analyse critique des propositions sur le CSE et la BDESE
Temps de lecture : 6 min
Contenu proposé par les :
Moins de jargon, plus de solutions
Les Éditions Tissot facilitent l'application du droit du travail au quotidien dans les entreprises.
Depuis les ordonnances Travail de 2017, rares sont les évolutions législatives ayant profondément impacté le sujet des relations collectives en entreprise. Mais un récent rapport parlementaire vient de proposer des changements majeurs. Analyse critique par Olivier Castell, expert en droit du travail et relations sociales, formateur et enseignant vacataire en droit du travail.
Rapport de simplification : les propositions touchant le CSE
Le rapport de simplification, remis au ministère de l’Economie et au ministère du Travail par cinq parlementaires le 15 février 2024, comporte 14 propositions visant à simplifier la vie des entreprises.
Parmi celles-ci, nous allons nous attarder sur la proposition n° 4, intitulée « Alléger les obligations des trois principaux seuils 11-50-250 en les translatant d’un niveau ».
Tout est dans le titre : l’idée est ici d’augmenter certains seuils d’effectifs et de décaler, en conséquence, les obligations propres à chacun de ces seuils. Or, ces seuils particuliers concernent directement le CSE.
Faire évoluer le seuil de 11 à 50 salariés
Passer le seuil de 11 salariés à 50 salariés conduirait à revoir l’effectif minimum pour le déclenchement de l’obligation de mise en place d’un CSE.
Avis d’expert
Compte tenu de la difficulté à identifier des candidats dans les entreprises concernées, des atermoiements du ministère du Travail sur la simplification du processus électoral dans les entreprises de moins de 20 salariés, de la difficulté de faire fonctionner un CSE avec un seul siège d’élu titulaire, cette réforme ne m’apparaît pas comme illégitime. Il serait intéressant, à ce titre, que le rapport s’appuie sur des chiffres exacts du nombre de CSE réellement mis en place dans des entreprises de moins de 50 salariés.
La suite du contenu est réservée aux abonnés à l'Actualité Premium
Essayez l'Actualité Premium
À partir de 9,90€ / mois- Déblocage de tous les articles premium
- Accès illimité à tous les téléchargements
Rapport de simplification : les propositions touchant le CSE
Le rapport de simplification, remis au ministère de l’Economie et au ministère du Travail par cinq parlementaires le 15 février 2024, comporte 14 propositions visant à simplifier la vie des entreprises.
Parmi celles-ci, nous allons nous attarder sur la proposition n° 4, intitulée « Alléger les obligations des trois principaux seuils 11-50-250 en les translatant d’un niveau ».
Tout est dans le titre : l’idée est ici d’augmenter certains seuils d’effectifs et de décaler, en conséquence, les obligations propres à chacun de ces seuils. Or, ces seuils particuliers concernent directement le CSE.
Faire évoluer le seuil de 11 à 50 salariés
Passer le seuil de 11 salariés à 50 salariés conduirait à revoir l’effectif minimum pour le déclenchement de l’obligation de mise en place d’un CSE.
Avis d’expert
Compte tenu de la difficulté à identifier des candidats dans les entreprises concernées, des atermoiements du ministère du Travail sur la simplification du processus électoral dans les entreprises de moins de 20 salariés, de la difficulté de faire fonctionner un CSE avec un seul siège d’élu titulaire, cette réforme ne m’apparaît pas comme illégitime. Il serait intéressant, à ce titre, que le rapport s’appuie sur des chiffres exacts du nombre de CSE réellement mis en place dans des entreprises de moins de 50 salariés.
Faire évoluer le seuil de 50 à 250 salariés
Pour le seuil des 50 salariés, qui passerait à 250 salariés, le rapport indique expressément que cela concernerait le passage au CSE « renforcé », disposant de la personnalité juridique et du droit aux consultations obligatoires.
Voilà un changement réellement majeur. Pour les entreprises comptant actuellement entre 50 et moins de 250 salariés, le CSE ne disposerait plus de subventions de fonctionnement et d’activités sociales et culturelles. Et son rôle se limiterait à porter les réclamations des salariés et à défendre les salariés en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
Avis d’expert
Compte tenu du nombre d’entreprises de moins de 250 salariés dans lesquelles le CSE s’investit pleinement dans ces missions, cette proposition représente une réelle révolution. Elle constitue, sans conteste, une mesure de simplification directe pour les entreprises avec la suppression des procédures d’information et consultations. Et une mesure d’économie avec le gel du versement des subventions. Cependant, le coût réel doit tenir compte du fait que les employeurs vont devoir gérer, eux-mêmes, les activités sociales et culturelles dont l’importance pour les salariés rend inenvisageable la suppression : l’économie d’argent et de temps est alors à relativiser.
Remettre en cause le seuil des 50 salariés en matière de CSE pour « simplifier la vie des entreprises » est une mesure qui ne peut être prise de façon isolée, sans que soient remises à plat l’organisation du dialogue social et la représentation des intérêts des salariés.
Des mesures de simplification, plus légitimes, sont à mon sens prioritaires. Par exemple, en fusionnant les trois consultations récurrentes obligatoires en une seule consultation annuelle obligatoire, donnant lieu à des points d’informations sur certains indicateurs à l’occasion de chaque réunion (option possible aujourd’hui uniquement à travers la négociation d’un accord d’entreprise). Un grand nombre d’employeurs comme de représentants du personnel étant perdus entre ces trois consultations ! Ou en inversant la règle sur les réunions en visioconférence : l’employeur choisit, pour chaque réunion, le recours ou non à la visioconférence et les élus peuvent s’y opposer un certain nombre de fois par an.
Rapport de simplification : les propositions touchant à la BDESE
Le relèvement des seuils envisagés pourrait également impacter celui relatif à l’obligation d’établir une BDESE.
Celui-ci passerait à 250 salariés selon la proposition n° 4 du rapport parlementaire. Cette proposition indiquant aussi que ce seuil des 250 salariés, qui existe actuellement pour le renforcement du contenu obligatoire supplétif de la base, passerait à 1000 salariés. Deux remarques s’imposent.
La première est que le renforcement du contenu obligatoire supplétif de la BDESE est lié actuellement à un seuil de 300 salariés et non de 250 salariés. Une telle erreur dans ce rapport met le doute quant au travail d’analyse mené !
La seconde est que, de façon inexplicable, la proposition n° 1 du même rapport indique qu’il faudrait supprimer la BDESE « dont l’utilité réelle n’est pas avérée dans un contexte de renforcement des obligations de reporting extra-financier (CSRD prévue par le droit européen) ». On change les seuils ou on supprime ?
Pour rappel, ce reporting extra-financier a fait l’objet d’une très récente intégration dans le droit français. Il impose la réalisation d’un rapport de durabilité se substituant à la déclaration de performance extra-financière, avec un champ d’entreprises concernées en hausse.
Sauf cas particuliers, ce rapport devra être produit par les entreprises dépassant au moins deux des seuils suivants : 250 salariés, 25 millions au bilan, 50 millions de chiffre d’affaires net.
Avis d’expert
En effet, avec l’intégration du rapport de durabilité, plus d’entreprises vont devoir communiquer dans leur rapport de gestion annuelle, communiqué aux actionnaires, des informations sur la durabilité. Informations qui pour certaines sont redondantes avec celles prévues dans le Code du travail. Mais le niveau de détail reste bien différent entre ce rapport de durabilité et la BDESE. Notamment au niveau social.
Supprimer la BDESE ou jouer sur les seuils m’apparaît comme une mesure sans réelle réflexion sur la portée dans les entreprises. La BDESE étant une création des partenaires sociaux, sans lien avec le droit européen. Les informations contenues dans un rapport de gestion dédié aux actionnaires seront-elles suffisantes aux élus du CSE pour rendre un avis éclairé dans le cadre des consultations obligatoires menées par l’employeur ? Et si cela nécessite de communiquer des informations supplémentaires par papier à l’ouverture des consultations, la suppression de la BDESE perd de son intérêt.
Quelles pistes d’amélioration pour la BDESE ? Remplacer certains indicateurs par le dépôt de documents contenant les informations pourrait alléger le travail de remplissage des entreprises. Uniformiser les données entre les rubriques égalité et investissement social de la BDESE et l’index égalité professionnelle. Mesure demandée, par ailleurs, par le dernier rapport réalisé par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ou bien clarifier toutes les incertitudes demeurant notamment sur la fréquence des mises à jour et l’usage de la BDESE dans les relations avec les délégués syndicaux.
Il va être donc très intéressant de suivre si et comment seront retranscrites ces propositions dans de futurs textes législatifs et réglementaires. Ce rapport comprenant, par ailleurs, d’autres propositions intéressant le champ du droit du travail : Projet de simplification : les propositions parlementaires qui touchent au droit du travail.
Rapport parlementaire du 15 février 2024 « Rendre des heures aux Français – 14 mesures pour simplifier la vie des entreprises »
Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr
Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …
- Menacer son employeur de faire grève peut-il justifier un licenciement ?Publié le 20/12/2024
- L’exécution des heures de délégation pendant un arrêt maladiePublié le 05/12/2024
- Élections professionnelles : le non-respect des règles de parité n'affecte ni la représentativité du syndicat ni la validité du scrutinPublié le 29/11/2024
- Elections professionnelles : augmentation du nombre de femmes candidates et éluesPublié le 31/10/2024
- Heures de délégation : l'employeur doit les prendre en compte pour fixer vos objectifsPublié le 18/10/2024