Licenciement contemporain à une action en justice du salarié : la nullité n’est pas automatique

Publié le 26/05/2023 à 16:30, modifié le 18/07/2023 à 10:27 dans Licenciement.

Temps de lecture : 4 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

L’action en justice valablement intentée par un salarié ne saurait, sous peine de nullité, justifier son licenciement. Pour autant, l’employeur reste en capacité d’acter la rupture de son contrat de travail sur un motif étranger. Ainsi, il revient au salarié de démontrer que son licenciement constitue une mesure de rétorsion dès lors que celui-ci repose sur une cause réelle et sérieuse.

Licenciement contemporain à une action en justice du salarié : rappels

Un salarié a la liberté d’introduire une action en justice à votre égard.

Cette démarche judiciaire ne vous prive pas, en soi, de la possibilité de le licencier. Mais attention, il est absolument nécessaire que des motifs valables le justifient (ex : faute grave, inaptitude, etc.). En effet, vous ne pouvez pas décider de licencier celui-ci en représailles de son action judiciaire. Une telle mesure de rétorsion s’expose alors à une sanction limpide, celle de la nullité.

Pour autant, démontrer l’existence d’une telle mesure n’est pas toujours aisée. Deux hypothèses peuvent alors se présenter en fonction de la motivation que vous adopterez dans la lettre de licenciement.

Celle-ci peut tout d’abord reprocher au salarié sa démarche judiciaire, et ce, de manière explicite ou implicite. La solution retenue ici ne fait aucun doute, la nullité du licenciement sera prononcée. Cette sanction s’impose avec la même force lorsque vous exposez une pluralité de motifs. En effet, la seule présence de ce motif illicite suffit à contaminer les autres motifs et à justifier la nullité de votre licenciement.

En revanche, la situation se complexifie quelque peu lorsque vous ne mentionnez nullement l’action en justice du salarié. Dans cette circonstance, la seule concomitance des évènements ne permet pas d’établir un lien probant entre l’action en justice et la mesure de licenciement. De ce fait, l’existence ou l’inexistence d’une mesure de rétorsion doit être démontrée, mais par qui ?

Une fois encore, le contenu de votre lettre de licenciement va permettre de fixer la règle de preuve applicable :

  • si les motifs présentés caractérisent une cause réelle et sérieuse : le salarié doit démontrer que son licenciement constitue une mesure de rétorsion ;

  • si les motifs présentés ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse : vous devez établir que votre décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice.

Tous ces principes ont fait l’objet d’une récente application par la Cour de cassation.

Licenciement contemporain à une action en justice du salarié : nouvelle illustration des règles de preuve

En l’espèce, un salarié est détaché dans une succursale new-yorkaise de son entreprise. Le 13 mars 2012, son employeur lui notifie la fin de son détachement, et ce, à compter du 1er mai 2012. Opposé à l’idée de rejoindre le nouveau poste proposé par son employeur, le salarié saisit le juge prud’homal le 13 avril 2012. Une audience de conciliation est organisée le 2 octobre 2012. Trois semaines plus tard, le 25 octobre 2012, le salarié est convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement. Il est alors licencié le 10 décembre 2012 pour faute grave en raison de son absence injustifiée depuis le 2 mai 2012.

Le salarié conteste son licenciement. Invoquant l’existence d’une mesure de rétorsion, ce dernier en sollicite la nullité. Débouté en appel, il se pourvoit en cassation.

À la lumière des éléments fournis par les parties, les juges de la Cour de cassation constatent que :

  • la procédure de licenciement a été régulièrement suivie ;

  • la lettre de licenciement ne contenait aucune référence à l'action engagée par le salarié ;

  • la lettre de licenciement contenait un exposé de faits circonstanciés et établis présentant un caractère réel et sérieux.

Partant de ces observations, la Haute juridiction déroule aisément son analyse. Ainsi donc, il revenait au salarié de démontrer qu'il avait été licencié consécutivement à son action en justice. Cependant, les éléments rapportés par celui-ci ne permettaient pas d’établir un tel lien. En définitive, la Cour de cassation confirme la solution retenue par la cour d’appel, le licenciement ne pouvait être annulé.

Pour en savoir davantage sur la motivation d’une mesure de licenciement, les Editions Tissot vous suggèrent leur documentation « Gérer le personnel ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 17 mai 2023, n° 22-15.143 (lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une action en justice introduite pour faire valoir ses droits)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot