Harcèlement moral : un syndicat peut agir en justice lorsqu'il existe un lien avec le mandat

Publié le 11/09/2024 à 08:18 dans Risques psychosociaux.

Temps de lecture : 3 min

Contenu proposé par les :

Logo

Moins de jargon, plus de solutions

Les Éditions Tissot facilitent l'application du droit du travail au quotidien dans les entreprises.

Lorsqu'un représentant du personnel invoque un harcèlement moral, un syndicat est-il recevable à agir en défense de l'intérêt collectif de la profession ? La Cour de cassation a répondu par l'affirmative, à condition que les faits laissent supposer l’existence d’un lien avec son mandat. 

Action en défense de l'intérêt collectif : rappels

Tout syndicat professionnel a le droit d'agir en justice, à condition que les faits portent un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent (Code du travail, art. L. 2132-3).

Important

La notion d'intérêt collectif doit être distinguée de celle d'intérêt général, mais aussi de l'intérêt individuel des salariés. Cette dernière notion recouvre les situations qui opposent uniquement le salarié et son employeur, sans qu'un préjudice collectif ne soit rapporté.

La notion d'intérêt collectif reste toutefois assez large, et la frontière avec l'intérêt individuel du salarié est souvent source de questionnements. C'est pourquoi les juges sont régulièrement amenés à censurer ou, au contraire, à valider le bien fondé des actions en justice fondées sur ce motif.

Illustration récente à propos d'une situation de harcèlement moral invoquée par un représentant du personnel.

Rappel

Le harcèlement moral est constitué par des agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail du salarié de nature à :

  • porter atteinte à ses droits et à sa dignité ;
  • altérer sa santé physique ou mentale ;
  • compromettre son avenir professionnel.

Harcèlement moral : une action syndicale subordonnée à la preuve d'un lien avec le mandat

En l'espèce, un salarié invoquait devant le conseil de prud'hommes une situation de harcèlement moral, dont il dénonçait l'aggravation suite à sa désignation en tant que représentant du personnel. Un syndicat était alors intervenu volontairement à l'instance, demandant la condamnation de l'employeur au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession. 

La cour d'appel ayant fait droit à sa demande, l'employeur forme un pourvoi en cassation, arguant qu'une situation de harcèlement moral envers un salarié ne porte aucunement atteinte à l'intérêt collectif de la profession, condition nécessaire pour qu'un syndicat puisse agir en justice.

La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi. Elle affirme que lorsque les faits de harcèlement moral invoqués par un représentant du personnel laissent supposer un lien avec l'exercice de ses fonctions syndicales ou représentatives, alors un syndicat est recevable à agir en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.

Pour que l'action en justice du syndicat soit justifiée, il est donc nécessaire que les faits de harcèlement moral invoqués par le salarié laissent supposer un lien avec son mandat.

En l'espèce, le salarié invoquait au soutien de sa demande :

  • l'aggravation de sa mise en retrait à compter de son élection au CHSCT ;
  • son exclusion de certaines missions ;
  • un courrier d'alerte du syndicat dénonçant sa « placardisation » ;
  • un rapport d'enquête du CHSCT stigmatisant la mise à l'écart de représentants du personnel.

Ces éléments étant en lien avec le mandat du salarié, l'action en justice du syndicat en défense de l'intérêt collectif de la profession était donc recevable. 

Pour en savoir davantage sur la prévention et la lutte contre le harcèlement moral, les Editions Tissot vous proposent leur documentation « RPS et QVCT : le pas à pas d’une démarche à succès ».


Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2024, n° 22-22.803 (un syndicat est recevable à agir en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession lorsque les éléments invoqués par un représentant du personnel laissent supposer un harcèlement moral en lien avec l'exercice de son mandat)

Margaux Berbey

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot