Contestation d'un avis d'inaptitude : l'indisponibilité des médecins inspecteurs du travail autorise la désignation d'un autre médecin

Publié le 06/06/2024 à 17:00, modifié le 22/07/2024 à 12:55 dans Inaptitude professionnelle.

Temps de lecture : 4 min

Lorsqu'il est saisi d'une contestation sur un avis d'inaptitude, le conseil de prud'hommes peut, afin de parfaire sa connaissance des faits, confier une mesure d’instruction à un médecin inspecteur du travail. Mais comme vient de l’indiquer la Cour de cassation, le juge prud’homal peut également, en cas de blocage, procéder à la désignation d’un tout autre médecin.

Avis d’inaptitude : conditions de contestation

L’avis constatant l’inaptitude d’un salarié peut être émis par le médecin du travail à l’issue d’un ou deux examens médicaux.

Délivré au salarié ainsi qu’à l’employeur, ce document doit mentionner les modalités et le délai dans lesquels ils pourront, le cas échéant, porter une contestation devant le conseil de prud’hommes.

De fait, chaque partie dispose, à compter de la réception de l’avis, d’un délai de 15 jours pour introduire une action en justice. Auquel cas, le juge prud’homal devra statuer dans le cadre de la procédure accélérée au fond qui, en bref, permettra d’obtenir un jugement dans un délai raccourci.

Sa décision se substituera alors à l’avis contesté.

Ainsi, afin d’être éclairé sur des questions de fait relevant de sa compétence, le conseil de prud’hommes pourra confier une mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent.

Si la juridiction prud’homale se retrouve confrontée à l’indisponibilité ou à la récusation de ce médecin, elle devra désigner un médecin inspecteur autre que celui territorialement compétent.

Bon à savoir

De multiples circonstances peuvent justifier la récusation d’un médecin inspecteur du travail. Il en va notamment ainsi lorsque ce dernier a été consulté par le médecin du travail à l’origine de l’avis contesté.

Seulement, la loi manque d’exhaustivité en la matière et n’envisage nullement l’hypothèse dans laquelle aucun autre médecin inspecteur ne serait, ou ne se rendrait, disponible. Malheureusement, cette omission emprunte un certain degré de gravité lorsqu’elle s’oppose à l’exigence, pour le juge prud’homal, de statuer dans un délai raisonnable.

Confrontée, de manière inédite, à cette problématique, la Cour de cassation a dû prendre position.

Mesure d'instruction : elle peut être confiée à un médecin autre que le médecin inspecteur du travail en cas de blocage

L’affaire soumise à la Haute juridiction était la suivante. Le 9 juillet 2020, un salarié avait saisi le conseil de prud’hommes pour contester l’avis reconnaissant son inaptitude et l’impossibilité de son reclassement.

Dans un premier temps, la juridiction prud’homale avait ordonné à un médecin inspecteur régional du travail la réalisation d’une mesure d’instruction. Cependant, elle dut le décharger et déléguer l’exécution de la mesure à un autre médecin inspecteur.

Bloquée par le refus ou le silence de plusieurs d’entre eux, elle la confia, à l’arrivée, à un médecin inscrit sur la liste des experts auprès de la cour d’appel. Quelques mois plus tard, elle le chargea d’un complément d’expertise, et ce, afin de procéder à la régularisation de son rapport au regard du principe du contradictoire.

Et le 25 janvier 2022, le conseil de prud'hommes jugea, conformément au rapport d’expertise, que les éléments de nature médicale ne permettaient pas de justifier l’avis d'inaptitude émis.

Considérant que le médecin inspecteur du travail était le seul professionnel de santé auquel le conseil de prud'hommes pouvait faire appel, l’employeur avait sollicité la nullité des expertises établies par le médecin expert.

Notez le

Le médecin désigné n’était pas inscrit comme expert en médecine de la santé ou en médecine du travail, n’avait pas le titre de médecin du travail, ni d'habilitation, de diplôme ou de qualification particulière en matière de santé ou médecine du travail.

Cependant, sa thèse ne sera suivie ni par la cour d’appel de Riom ni par la Cour de cassation.

D’après cette dernière, le juge qui se heurte à l’indisponibilité de tous les médecins inspecteurs du travail recherchés se trouve, face à la nécessité de statuer dans un délai raisonnable, en capacité de désigner un autre médecin.

Les éléments de fait caractérisant une telle indisponibilité, le recours à ce médecin expert était donc valable.

Bon à savoir

Dans son questions-réponses dédié aux « Recours contre un avis d’inaptitude », le ministère du Travail indique, de son côté, que dans une telle situation de blocage, le juge peut désigner un expert sur la liste des experts de la cour d’appel à condition qu’il dispose d’une qualification en médecine du travail (sans qu’il soit nécessaire qu’il figure dans la rubrique « médecine du travail » de la liste). »

Pour en savoir davantage sur les conséquences attachées à l’inaptitude d’un salarié, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Santé et sécurité au travail ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 22 mai 2024, n° 22-22.321 (le juge qui constate qu'aucun médecin inspecteur du travail n'est disponible pour réaliser la mesure d'instruction peut désigner un autre médecin pour permettre son exécution)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot