AT/MP : la transmission du rapport médical n’est pas de droit
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Depuis le 1er janvier 2019, toute réclamation de nature médicale en lien avec la prise en charge d’un sinistre professionnel par la CPAM doit être portée devant une commission médicale de recours amiable (CMRA). En théorie, le médecin conseil de la CPAM est alors censé transmettre au médecin mandaté par l’employeur une copie de l’intégralité du rapport médical de l’assuré ayant justifié sa décision. Toutefois, en pratique ce n’est que rarement le cas. Saisie de cette problématique, la Cour de cassation s’est prononcée officiellement sur les conséquences de l’absence d’une telle transmission.
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La transmission du rapport médical encadrée par la loi
Le secrétariat de la CMRA transmet, dès sa réception, la copie du recours préalable au praticien-conseil, auteur de l'avis médical contesté (Code de la Sécurité sociale, art. R. 142-8-2). Ce dernier dispose de dix jours pour envoyer à la commission l'intégralité du rapport ainsi que l'avis transmis à l'organisme de Sécurité sociale sur l'état et le degré d'invalidité ou sur le taux d'incapacité permanente.
Lorsqu’il s’agit d’un recours formé par l'employeur, le secrétariat de la CMRA notifie sans délai le rapport accompagné de l'avis au médecin mandaté par l'employeur à cet effet (CSS, articles L. 142-6 et R. 142-8-3).
Hélas, en pratique, l’employeur ne reçoit rien et doit se contenter d’une décision implicite de rejet.
Quelles sont donc les sanctions en cas de non-respect des dispositions précitées ?
Pas d’inopposabilité pour des délais indicatifs
Dans le cadre d'un avis rendu le 17 juin 2021 (avis n° 15009), la Cour de cassation avait déjà mis en exergue l’absence de sanction possible suite à l’inobservation des délais prévus par les textes en précisant qu’il s’agissait simplement de délais « indicatifs de la célérité de la procédure ».
Les employeurs, en désaccord total, ont continué leur combat devant les juges du fond obtenant à plusieurs reprises l’inopposabilité, à leur égard, de décisions attributives de taux d’Incapacité Permanente Partielle (IPP) ou de prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits jusqu’à la date de consolidation.
Dans plusieurs arrêts du 11 janvier dernier, la Cour de cassation rappelle que la transmission du rapport médical du praticien-conseil ne peut se faire que par l’autorité médicale chargée d’examiner le recours préalable. Qu’en conséquence, si le secrétariat de la CMRA ne l’a pas reçu, il ne peut pas le transmettre au médecin de l’employeur. La Haute Juridiction ajoute que, ni l’inobservation des délais, ni l’absence de transmission du rapport médical n’entraînent l’inopposabilité, à l’égard de l’employeur, de la décision de la caisse dans la mesure où ce dernier a la possibilité de saisir le tribunal judiciaire et d’obtenir, à cette occasion, la communication du rapport médical (dans les conditions prévues par les articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du même Code).
Pas de transmission systématique au stade contentieux
Le seul moyen d’accéder à ce rapport médical pour l’employeur est donc de l’obtenir au stade contentieux lors d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge.
La Cour de cassation porte toutefois le coup de grâce : outre l’absence de sanction possible, elle annonce que relève de l’appréciation souveraine des juges du fond la décision d’ordonner ou non une mesure d’instruction. Celle-ci n’est donc pas de droit si le juge considère la demande insuffisamment motivée. L’employeur qui conteste une décision médicale pourra donc ne jamais avoir accès au rapport médical. Ne s’agit-il pas d’une atteinte au droit à un procès équitable ? Ou d’une rupture dans l’égalité des armes entre l’employeur et la CPAM ?
Se pose également la question de l’intérêt et de l’utilité d’une phase amiable dans le contentieux médical.
Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 janvier 2024, n° 22-15.939, n°22-15.940 et n° 22-15.945 (l’absence de transmission du rapport médical et de l'avis au médecin mandaté par l'employeur n'entraîne pas l'inopposabilité, à l'égard de ce dernier, de la décision de prise en charge par la caisse)
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