La mise en place d’établissements distincts par accord : quelles marges de négociation ?
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Dans un contexte marqué par le renouvellement des CSE, la Cour de cassation s’est tout récemment exprimée sur le champ de la négociation collective concernant l’instauration d’établissements distincts.
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Rappel du droit
La mise en place de CSE d’établissements s’impose dans les entreprises d'au moins cinquante salariés comportant au moins deux établissements distincts.
Afin de déterminer le nombre et le périmètre de ces établissements distincts, l’employeur est susceptible d’emprunter l’une de ces deux voies.
La voie « négociée » :
- via un accord collectif d’entreprise « majoritaire » ;
- à défaut d’accord collectif et en l’absence de délégué syndical, via un accord avec la majorité des élus titulaires du CSE.
La voie « unilatérale » :
- via une décision unilatérale compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement.
Toutefois, le choix de la voie à suivre ne peut être arbitraire. En effet, la voie « unilatérale » n’est accessible qu’à la suite d’une « tentative sincère et loyale de négociation ». Ainsi, dès qu’elle peut être envisagée, la voie « négociée » doit être empruntée. A défaut, la décision unilatérale de l’employeur sera annulée.
Présentation des faits
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un accord collectif prévoit une division de l’entreprise en sept établissements distincts. Au sein d’un établissement, des pilotes de ligne se retrouvent mêlés à du personnel non pilote en majorité. Le syndicat des pilotes conteste alors l’accord collectif et sollicite la reconnaissance d’un établissement distinct propre à leur profession.
Or, la Cour de cassation rejette les demandes formulées par le syndicat.
La libre détermination des critères permettant de fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts
La Cour de cassation considère que, face au silence de la loi, les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements relèvent de la « seule liberté des négociateurs ». Par conséquent, les juges ne peuvent pas opérer de contrôle sur les critères retenus.
A l’inverse de ce qu’estimait le syndicat, les négociateurs n’étaient nullement tenus de prendre en considération les attributions du CSE et l’existence supposée d’un chef d’établissement doté d’une autonomie de gestion. Néanmoins, le jeu de la négociation aurait pu aboutir à les considérer.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette solution :
- les accords négociés avec les syndicats et le CSE sont concernés ;
- la voie « négociée », qui est à prioriser, ne doit pas être vue comme contraignante ;
- la mise en place efficiente des établissements distincts doit coller aux réalités de l’entreprise, et pour y parvenir, les partenaires sociaux en sont les meilleurs critiques.
Néanmoins, les juges rappellent que cette liberté de négociation ne doit pas se faire au détriment d’un principe de valeur constitutionnelle : le principe de participation.
Garantir la représentation de l'ensemble des salariés
L’arrêt retient qu’en vertu du principe de participation, les critères retenus par l’accord doivent assurer une représentation de l’ensemble des salariés. Un contrôle a minima pourra donc être mené sur ce point par les juges.
Rappel
Le principe de participation exige que tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.
En l’espèce, la Cour de cassation considère que la représentation des pilotes était garantie à travers l’existence d’élus et d’une CSSCT « pilotes ». Elle en profite pour rappeler que les élus disposaient de la faculté d’exercer leur droit d’alerte.
Cette nuance nous conduit à considérer que la liberté accordée aux négociateurs n’est pas absolue même si elle reste largement étendue. La représentation imparfaite de l’ensemble des salariés constitue donc un motif susceptible d’être invoqué à l’encontre des accords mettant en place des établissements distincts.
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Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2023, n° 21-15.371 (les signataires d'un accord déterminent librement les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l'entreprise, à la condition toutefois, eu égard au principe de participation, qu'ils soient de nature à permettre la représentation de l'ensemble des salariés)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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