L’actualité sociale de la semaine : propos racistes tenus lors d’un repas organisé par le CSE, inaptitude et lenteur de l’employeur, modification du contrat de travail pour motif économique

Publié le 20/12/2024 à 08:59 dans Comité social et économique (CSE).

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Cette semaine, nous revenons sur la possibilité de sanctionner un salarié ayant tenu des propos racistes lors d’un repas de fin d’année organisé par le CSE. Nous faisons également le point sur deux arrêts rendus par la Cour de cassation concernant les conséquences de la lenteur de l’employeur suite à inaptitude, et sur la modification du contrat de travail pour motif économique. 

Les propos racistes ou discriminants, tenus lors d’une soirée entre collègues organisée par le CSE en dehors des horaires de travail, peuvent-ils être sanctionnés ?

Dans une affaire portée devant la Cour de cassation, la responsable hiérarchique d’une salariée avait tenu des propos relatifs à la couleur de peau de celle-ci, lors du repas de fin d’année organisé par le CSE.

La salariée, alors en CDD, avait dénoncé, auprès de son employeur, les propos tenus à son encontre.

Au terme de son contrat, elle avait saisi le conseil de prud’hommes et sollicitant notamment la résiliation judiciaire du contrat produisant les effets d’un licenciement nul en raison d’une situation de harcèlement moral discriminatoire.

La Cour de cassation devait alors répondre à la question de savoir si les propos tenus par la responsable hiérarchique relevaient de la vie professionnelle de la salariée ou s’ils relevaient de sa vie privée. 

La cour d'appel avait retenu que les propos avaient été tenus lors d’un événement organisé par le CSE et non par l’employeur, en dehors de l’entreprise et du temps de travail. Elle en déduisait que ces faits, indépendants de la vie professionnelle de la salariée, ne laissaient pas supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. 

A tort selon la Cour de cassation qui a retenu quant à elle que de tels propos relevaient bien de la vie professionnelle de la salariée et laissaient supposer l’existence d’une discrimination en raison de ses origines. 

Source : Cour de cassation, chambre sociale, 15 mai 2024, n° 22-16.287 (les propos à caractère raciste, tenus au cours d'un repas de Noël avec des collègues de travail, organisé par le CSE, relevaient de la vie professionnelle de la personne concernée)

Modification du contrat de travail pour motif économique : une proposition précise doit être faite par l’employeur

La proposition de modification du contrat de travail est adressée par votre employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception (Code du travail, art. L. 1222-6). L’employeur doit préciser que vous disposez d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus. Sans réponse, vous êtes réputé avoir accepté la modification.

L’employeur est tenu de vous informer précisément sur les nouvelles conditions d’emploi. A défaut, en cas de licenciement suite à ce refus, celui-ci sera dépourvu de cause réelle et sérieuse.

C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 novembre 2024.

Dans cette affaire, un salarié s’est vu proposer une modification de son contrat pour motif économique. L’offre comprenait la modification :

  • de son secteur de prospection ;

  • de sa part variable de sa rémunération ;

  • de sa fonction. 

Il avait demandé à son employeur des précisions notamment sur les modalités de calcul de la part variable de sa rémunération. Aucune réponse ne lui a été faite. Suite à son refus de l’offre, il a été licencié. Pour la Cour de cassation, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur n’ayant pas fourni au salarié une information suffisante concernant le calcul de sa part variable.

Source : Cour de cassation, chambre sociale, 14 novembre 2024, n° 22-24.651 (la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique doit être précise sur les nouvelles conditions d’emploi afin que le salarié puisse mesurer les conséquences de son choix)

L’employeur a l’obligation de reclasser ou, à défaut, de licencier le salarié déclaré inapte dans un délai raisonnable

L’employeur confronté à l’inaptitude d’un salarié se trouve tenu, sauf dispense expresse, à une obligation de reclassement.

La rupture du contrat de travail ne peut être envisagée que si l’employeur  est :

  • placé dans l’impossibilité de proposer un autre emploi conforme aux exigences posées par le Code du travail ; 
  • confronté au rejet de sa ou de ses propositions de reclassement. 

Si, dans le mois suivant le prononcé inaptitude, le salarié n’est ni reclassé ni licencié, alors l’employeur est tenu de reprendre le versement du salarié, tout en devant continuer de rechercher des solutions de reclassement.

Même s'il n'existe aucun délai précis, l'employeur doit tout de même faire preuve de réactivité. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 décembre 2024.

En l’espèce, un chauffeur routier est déclaré inapte le 11 juin 2019. L’employeur attendra quatre mois pour présenter une offre de reclassement au salarié, offre qui se trouve de surcroît à l’étranger. Suite au refus du salarié, l’employeur attendra un mois supplémentaire pour consulter les autres sociétés du groupe sur des possibilités de reclassement existantes.

Le 31 janvier 2020, plus de six mois après le prononcé de l'inaptitude, le salarié, ni reclassé, ni licencié, saisit le conseil de prud'hommes pour demander la rupture de son contrat aux torts de l’employeur.

La cour d’appel retient que la lenteur de l’employeur ne permettait pas, pour autant, de caractériser l’existence d’un manquement dans la mesure où l’obligation de reclassement, contrairement à celle reprendre les salaires, n’était pas enfermée dans un délai précis.

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation qui, à l’inverse, va estimer que la cour d’appel aurait dû :

  • constater, au regard des éléments, l’existence d’un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles ;

  • et se prononcer, en conséquence, sur le bien-fondé de l’action en résiliation judiciaire du salarié.

Source : Cour de cassation, chambre sociale, 4 décembre 2024, n° 23-15.337 (la cour d’appel ayant constaté que le salarié inapte avait été maintenu dans une situation d'inactivité forcée, le contraignant ainsi à saisir la juridiction prud'homale, aurait dû déduire l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations et dire si un tel manquement était d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail)