Harcèlement moral et discrimination syndicale : comment marche la preuve ?
Temps de lecture : 5 min
Contenu ancien
Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
En vue de faciliter la preuve d'une situation de harcèlement moral ou de discrimination, la loi prévoit un partage de la charge de la preuve entre les parties. Le salarié doit présenter des faits. L’employeur doit démontrer que sa décision repose sur des éléments objectifs. Mais le juge a aussi un rôle et doit examiner tous les faits présentés par le salarié.
La suite du contenu est réservée aux abonnés à l'Actualité Premium
Essayez l'Actualité Premium
À partir de 9,90€ / mois- Déblocage de tous les articles premium
- Accès illimité à tous les téléchargements
Discrimination : rappels
Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement, licenciée, sanctionnée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison d’un certain nombre de motifs prohibés, et notamment de ses activités syndicales.
Les motifs prohibés, même s’ils ont évolué au fil du temps, sont limitativement énumérés : origine, sexe, mœurs orientation sexuelle, situation de famille, grossesse, caractéristiques génétiques, particulière vulnérabilité résultant d’une situation économique apparente ou connue de son auteur, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, exercice d’un mandat électif, convictions religieuses, apparence physique, nom de famille, lieu de résidence, domiciliation bancaire, état de santé, perte d’autonomie, handicap, capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, qualité de lanceur d’alerte, facilitateur ou personne en lien avec un lanceur d’alerte.
La discrimination (qui est interdite) ne doit pas être confondue avec la différence de traitement (qui elle est autorisée sous certaines conditions).
Notez le
La différence de traitement est admise même basée sur un motif prohibé si elle satisfait au cumul de deux critères :
- elle est objectivement justifiée par un motif légitime ;
- les moyens pour le réaliser sont nécessaires et appropriés.
La discrimination peut être directe ou indirecte.
Est une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement d’un motif prohibé, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aurait été dans une situation comparable.
Seule la discrimination directe engage la responsabilité pénale de son auteur (Cass. crim., 8 juin 2021, n° 20-80.056).
Est une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs visés par la discrimination directe, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autre personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
Ainsi, un système de modulation du temps de travail qui retient un décompte forfaitaire pour les absences dues à la maladie en période de haute activité constitue « malgré son caractère apparemment neutre » une mesure discriminatoire indirecte en raison de l’état de santé du salarié. (Cass. soc. ,9 janvier 2007, n° 05-43.962).
Ou encore la concomitance entre les périodes de suppression d’une prime et les absences pour maladie du salarié laisse présumer l’existence d’une discrimination indirecte en raison de l’état de santé du salarié (Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 19.13-637).
Harcèlement moral : rappels
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’employeur est tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
En outre, le Code du travail a mis en place des règles protectrices :
- l’employeur ne peut sanctionner ou faire subir toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte pour avoir subi ou refusé de subir des agissements ou les avoir relatés ;
- nullité de la rupture du contrat de travail du salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi du salarié caractérisé par la connaissance de ce dernier du caractère mensonger des faits dénoncés ;
- nécessité de sanctionner le salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral ;
- mise en œuvre d’une procédure de médiation.
Discrimination syndicale et harcèlement moral : mécanisme probatoire
Le mécanisme probatoire consiste en un partage de la charge de la preuve. Il est à « double détente ». En effet, dans les deux cas, le salarié qui s’estime victime de harcèlement moral ou de discrimination (voir les deux) doit présenter des faits qui laissent supposer l’existence d’une situation de harcèlement ou de discrimination.
Une fois ces éléments établis, l’employeur doit alors démontrer que sa décision repose sur des éléments objectifs.
Les juges doivent apprécier l’ensemble des faits présentés par le salarié.
Dans l’affaire ici exposée, la Cour de cassation reproche aux juges d’appel de ne pas avoir pris en compte l’ensemble des faits avancés par le salarié.
Le salarié d’une société, élu délégué du personnel, a saisi la juridiction prud’homale d’une action en résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur outre la condamnation de celui-ci à lui verser des dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, de la discrimination syndicale et de l’exécution déloyale du contrat.
L’affaire va jusqu’à la Cour de cassation, le salarié ayant été débouté de sa demande par la juridiction d’appel.
Il reproche à la cour d’appel de ne pas avoir tenu compte de l’ensemble des faits dénoncés. En l’occurrence il s’agit de l’absence de formation professionnelle, l’absence d’entretien annuel et le défaut de délivrance de cartes de visite alors que ses collègues en disposaient.
La Haute Juridiction confirme sa jurisprudence en rappelant que les juges doivent apprécier l’ensemble des faits avancés au soutien de la demande du harcèlement moral et de discrimination.
Pour protéger les salariés du harcèlement moral, les Editions Tissot vous proposent leur « dépliant harcèlement moral » qui permet de pointer du doigt les composantes caractéristiques d’une situation de harcèlement moral.
Cour de cassation, chambre sociale, 14 septembre 2022, n° 20-18.362 (pour déterminer s’il y a eu discrimination ou harcèlement, les juges doivent apprécier l’ensemble des faits présentés par le salarié)
- Licenciement après la période de protection : l’impact d’une décision de refus de licencier préciséPublié le 20/12/2024
- Mise à pied disciplinaire : l’accord du salarié protégé n’est pas exigéPublié le 16/12/2024
- Congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale : à quelle durée annuelle avez-vous droit ?Publié le 12/12/2024
- Protection liée au mandat extérieur à l’entreprise : précisions sur la date butoir pour en informer l’employeurPublié le 11/12/2024
- Discrimination syndicale : elle peut être reconnue indépendamment de toute comparaison avec d’autres salariésPublié le 29/11/2024