Désignation du délégué syndical : lorsque le transfert d’entreprise s’invite dans le processus
Temps de lecture : 4 min
A travers une récente décision, la Cour de cassation a eu l’opportunité de repréciser les contours des bouleversements emportés par un transfert d’entreprise, tant sur le sort des mandats des délégués syndicaux que sur la représentativité d’une organisation syndicale.
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Rappel des faits : lorsque la désignation d’un délégué syndical s’inscrit dans un contexte de transfert d’entreprise
Dans cette affaire, un syndicat procède, en 2019, à la désignation d’un délégué syndical.
Le 1er octobre 2022, l’entreprise dans laquelle le syndicat est implanté est absorbée par une autre entreprise. Les contrats de travail de l’ensemble des salariés sont alors transférés. L’entreprise transférée perd, quant à elle, son autonomie.
Le 14 novembre 2022, le syndicat notifie à l’entreprise absorbante la désignation, en tant que délégué syndical, du salarié déjà nommé dans l’entreprise absorbée.
Le nouvel employeur s’y oppose. Il objecte, auprès du tribunal judiciaire de Bergerac, que le syndicat était dans l’impossibilité de procéder à cette désignation dans la mesure où il n’était pas représentatif au sein de l’entreprise.
Le tribunal judiciaire accueille favorablement la demande de l’employeur. La désignation du salarié est annulée.
Sa décision est alors motivée par le fait que, d’une part, la société absorbée avait perdu son autonomie juridique et que, d’autre part, l'organisation syndicale ne disposait pas de la représentativité électorale dans la société absorbante au jour de la fusion-absorption.
Le syndicat et le salarié se pourvoient en cassation. Ils invoquent, au soutien de leur prétention, que :
- si l'entreprise absorbée ne conserve pas son autonomie, les travailleurs transférés doivent continuer à être convenablement représentés durant la période nécessaire à une nouvelle formation ou désignation de la représentation des travailleurs ;
- la représentativité des organisations syndicales vaut pour toute la durée du cycle électoral.
La Cour de cassation rejette cependant leur pourvoi.
Autonomie de l’entreprise transférée : condition de la subsistance du mandat de délégué syndical
La Haute juridiction justifie sa décision, en premier lieu, au regard de l’article L. 2143-10 du Code du travail et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 29 juillet 2010, UGT-FSP, aff. C-151/09).
L’analyse de ces textes permet d’en déduire que, s’agissant des délégués syndicaux, leur mandat doit :
- perdurer lorsque l'entreprise transférée conserve son autonomie ;
- prendre fin à la date du transfert lorsque l'entreprise transférée perd son autonomie.
Rappel
Il convient, pour constater l’autonomie d’une entité transférée, de constater que les pouvoirs accordés aux responsables de cette entité demeurent, en substance, inchangés. A savoir :
- le pouvoir d'organiser, de manière relativement libre et indépendante, le travail dans la poursuite de l'activité économique qui lui est propre ;
- et, plus particulièrement, les pouvoirs de donner des ordres et des instructions, de distribuer des tâches aux travailleurs subordonnés relevant de l'entité en cause ainsi que de décider de l'emploi des moyens matériels mis à sa disposition ;
- ceci sans intervention directe de la part d'autres structures d'organisation de l'employeur.
Constatant que l’entreprise absorbée n’avait pas conservé son autonomie, la Cour de cassation confirme que le mandat du délégué syndical avait pris fin le 1er octobre 2022, date de son transfert.
Désignation du délégué syndical : le critère prépondérant de l’audience syndicale
La Haute juridiction s’exprime, dans un second temps, sur la capacité de désignation du syndicat. Sujet distinct de la survivance des mandats.
Faisant une nouvelle fois sienne la jurisprudence de la CJUE, elle rappelle que les intérêts des travailleurs, face à une perte d’autonomie, changent et que les modalités et conditions de leur représentation doivent évoluer en conséquence.
Le mandat de leurs représentants doit donc perdurer pour la seule période nécessaire à une nouvelle formation ou désignation de leur représentation.
La Cour de cassation indique alors que des élections professionnelles ont été organisées au sein de l’entreprise accueil.
Le syndicat aurait donc pu recouvrer son droit à désignation s’il recueillait au moins 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour du scrutin.
Rappel
La désignation d’un délégué syndical est une prérogative réservée aux seuls syndicats représentatifs. Et pour mémoire, l’audience électorale constitue le plus prépondérant des 7 critères fondant la représentativité d’un syndicat.
Mais comme l’avait constaté le tribunal judiciaire, le syndicat a échoué à rallier ce seuil. N’étant, de ce fait, pas représentatif, il ne pouvait valablement procéder à la désignation d’un délégué syndical.
La solution d’appel est ainsi donc confirmée, la désignation du salarié devait être annulée.
Pour en savoir davantage sur la désignation et le mandat des délégués syndicaux, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « CSE ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 17 janvier 2024, n° 22-24.687 (le syndicat ne pouvait valablement procéder à la désignation d'un délégué syndical au sein de la société d’accueil, en sorte que la désignation du salarié en cette qualité devait être annulée)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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