Annulation du licenciement d’un salarié protégé : peut-on formuler une demande de réintégration 11 ans après son licenciement ?
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Candidats, salariés demandant l’organisation des élections professionnelles ou salariés investis de mandats représentatifs, tous bénéficient d’une protection face au licenciement. Tout manquement en la matière est susceptible d’être lourdement sanctionné, et ce, notamment par la réintégration du salarié. Mais dans quel délai le salarié doit-il agir ?
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Une demande de réintégration tardive possible mais pas absolue
Pour rappel, l’employeur est tenu de demander l'autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement. Le licenciement d'un salarié prononcé en violation du statut protecteur est atteint de nullité et ouvre droit pour ce salarié à sa réintégration s'il l'a demandée.
Lorsque le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, à ce titre, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration (Code du travail, art. L. 2411-1 et L. 2411-3).
Aucun délai n'est imparti au salarié pour demander sa réintégration lorsque la rupture de son contrat de travail a été prononcée en violation du statut protecteur. In fine, ce n'est que si l'entreprise a disparu, ou en cas d’impossibilité absolue de réintégration, que l'employeur est libéré de son obligation (Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 18-13.933). Dès lors, cette indemnité d’éviction lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié.
Toutefois, pour limiter les tentations d’optimisation, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration (Cass. soc., 7 novembre 2018, n° 17-14.716).
Dans ce cadre, le salarié peut-il se targuer de vouloir attendre le prononcé de la nullité de son licenciement pour tenter de justifier une demande tardive de réintégration ? Rien n’est moins sûr.
Une tentative de justification par « le temps judiciaire » qui ne marche pas
En l’espèce, un salarié, licencié le 23 mai 2003, a saisi la juridiction prud'homale, le 29 mars 2004, d'une demande d'annulation de son licenciement en invoquant l'absence d'autorisation administrative préalable.
Alors que sa période de protection était expirée, le salarié forme, le 25 septembre 2014, soit plus de 11 ans après son licenciement, une demande de réintégration dans l'entreprise et sollicite le paiement d'une indemnité d'éviction. Le salarié soutient qu’il a, par prudence, préféré subordonner sa demande de réintégration au prononcé d'une décision de justice prononçant la nullité de son licenciement afin d’établir le bien fondé de ladite demande.
Côté employeur, nul doute que l’abus de droit était bien caractérisé.
Pourtant, les juges d’appel retiennent que l'abus n'est pas démontré par le seul écoulement du temps judiciaire. Aussi, le fait que le salarié ait attendu la décision de la cour d'appel confirmant la nullité de son licenciement pour demander ensuite sa réintégration, ne pouvait lui être reproché de sorte que sa demande de réintégration formulée après l'expiration de la période de protection ne lui est pas imputable.
A tort pour la Cour de cassation qui retient qu’en présentant sa demande de réintégration plus de 11 ans après son licenciement, l'intéressé avait abusivement tardé à demander sa réintégration, de sorte qu'il n'avait droit, au titre de la violation de son statut protecteur, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration.
Le salarié ne pouvait donc pas se cacher derrière l’argument du temps judiciaire pour légitimer sa demande.
Cour de cassation, chambre sociale, 8 novembre 2023, n° 21-25.684 (le salarié qui présente sa demande de réintégration plus de 11 ans après son licenciement a abusivement tardé à demander sa réintégration, en sorte qu'il n’a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective)
Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés
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