Validation du barème Macron : davantage de procès en harcèlement ou discrimination ?
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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Le barème Macron a été validé par la Cour de cassation laissant penser que les employeurs peuvent désormais anticiper ce que leur coûterait un licenciement injustifié. Toutefois comme l’a rappelé la Cour de cassation, le barème Macron ne s’applique pas dans certains cas de nullité notamment en cas de harcèlement, de violation d’une liberté fondamentale ou d’une discrimination. Ce type d’action pourrait donc être amené à se multiplier. Voici quelques exemples de situation à risque.
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Barème Macron : pas applicable dans certains cas de nullité du licenciement
La Cour de cassation l’a clairement affirmé dans 2 décisions récentes : il faut appliquer le barème Macron pour fixer le montant des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il n’est pas possible de dépasser les plafonds fixés en fonction de la situation du salarié (voir notre article « Barème Macron : validé par la Cour de cassation ! »).
Vous pouvez télécharger ici tous les montants du barème Macron (il y a en réalité 2 barèmes, l’un étant spécifique aux entreprises de moins de 11 salariés) :
Mais elle a aussi rappelé que le barème Macron ne s’applique pas dans toutes les situations.
En effet le barème Macron ne s’applique pas en cas de licenciement nul suite à :
- la violation d’une liberté fondamentale (liberté d’ester en justice, liberté d’expression, liberté de témoigner, etc.) ;
- des faits de harcèlement moral ou sexuel ;
- un licenciement discriminatoire ;
- un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à une dénonciation de crimes et délits ;
- un licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat ;
- un licenciement en méconnaissance des protections liées à la maternité, la paternité, l’adoption ou aux accidents du travail et maladies professionnelles (Code du travail, art. L. 1235-3-1).
Il n’y a alors pas de plafond mais seulement un plancher égal aux salaires des 6 derniers mois.
Certains salariés pourraient donc être tentés d’invoquer l’un de ces cas de nullité. Deux risquent d’être particulièrement utilisés à notre sens : le harcèlement moral et la discrimination.
Harcèlement moral, licenciement discriminatoire : quelques exemples
Les dossiers pour harcèlement moral, déjà en tendance ascendante ces dernières années, pourraient donc être amenés à se multiplier.
Le Code du travail (art. L. 1152-1) définit le harcèlement moral comme des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible :
- de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ;
- d'altérer sa santé physique ou mentale ;
- ou de compromettre son avenir professionnel.
Ce qui laisse aux juges une marge d’appréciation assez importante notamment pour définir la notion d’agissements.
Il est important de noter que ces agissements doivent être répétés : un acte isolé ne permet pas de qualifier le harcèlement moral. L’exigence de répétition des faits ne doit pas être confondue avec une exigence quant à leur durée. Peu importe que les faits n’aient duré que quelques jours ou qu’ils soient de même nature.
Au niveau de la preuve, quand le salarié agit en justice, il doit d’abord présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de harcèlement.
Citons par exemple :
- des humiliations, propos blessants ou discréditant ;
- le retrait de tâches ou une mise au placard ;
- ou encore des tâches confiées qui dépassent la capacité physique du salarié.
Le juge doit former sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Il doit prendre en compte chacun des agissements dénoncés dans leur ensemble, et non pas les apprécier de manière séparée. L’employeur, face à ces éléments, doit ensuite prouver que les agissements qui lui sont reprochés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Illustration : dans une affaire récente la cour d’appel avait examiné les faits un par un et avait estimé qu’il n’y avait pas de harcèlement. Il s’agissait de reproches et insultes, d’un avertissement, puis de la suppression de l'usage d’un véhicule et enfin de la dégradation des conditions de travail de la salariée et l'altération de sa santé. La Cour de cassation souligne qu’il fallait rechercher si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral (voir notre article « Harcèlement moral : le juge doit apprécier les faits dans leur ensemble ! ».
Attention par exemple à une lettre de licenciement qui décrit un comportement agressif et dévalorisant ; cela peut corroborer la présomption de harcèlement moral (Cass. soc., 29 septembre 2011, n° 10-12.722).
L’autre cause de nullité qui pourrait être de plus en plus mise en avant, c’est la discrimination.
Sur ce sujet les choses sont un peu plus encadrées puisque le Code du travail liste un certain nombre de motifs de discrimination.
En effet aucun salarié ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison « de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français » (C. trav., art. L. 1132-1).
Les discriminations qui risquent d’être le plus souvent soulevées sont à notre sens celles liées à l’âge, au sexe ou encore l’état de santé.
Par exemple a déjà été jugé reconnu discriminatoire le licenciement d’un serveur qui refusait d’ôter ses boucles d’oreilles (discrimination fondée sur l’apparence physique du salarié rapportée à son sexe) (Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10–28.213).
Ont également été reconnus comme des éléments laissant supposer une discrimination fondée sur l’âge :
- la mise en œuvre de la procédure de licenciement peu de temps après l'envoi par le salarié de lettres à sa direction se plaignant de la discrimination à raison de son âge dont il estimait être la victime (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17.569) ;
- une faible proportion de salariés âgés de plus de 40 ans présents dans l'entreprise au regard de la proportion de ces mêmes salariés dans la branche professionnelle, cumulé au départ de plusieurs personnes âgées de plus de 40 ans de l’entreprise (Cass. soc.,12 avril 2018, 16-25.503) ;
- un licenciement pour insuffisance professionnelle quelques jours après un courriel du salarié informant l’entreprise de ses difficultés de santé en relation avec ses conditions de travail (Cass. soc., 5 février 2020, 18-22.399).
Comme pour le harcèlement, la preuve est partagée : le salarié apporte des premiers éléments charge ensuite à l’employeur d’y répondre.
Pour avoir plus d’exemples de décisions de justice sur la discrimination ou le harcèlement nous vous conseillons notre documentation « Droit du travail et sa jurisprudence commentée ».
Juriste en droit social
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