Discrimination : la preuve par les statistiques

Publié le 27/01/2023 à 15:06, modifié le 30/01/2023 à 14:31 dans Sécurité et santé au travail.

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Dissimulée ou inconsciente, l’existence d’une discrimination est souvent difficile à démontrer. A ce titre, les règles relatives à la preuve d’une discrimination font l’objet d’un allégement au profit du salarié. La Cour de cassation a récemment admis que des statistiques pouvaient être invoquées à votre encontre.

Les règles de preuve en matière de discrimination : rappel

Au civil, le salarié s’estimant victime d’une discrimination bénéficie d’un aménagement de la charge de la preuve.

Dans un premier temps, il lui appartient de présenter des éléments de fait laissant présumer l'existence d’une discrimination. En d’autres termes, le salarié doit faire naître un « doute raisonnable dans l’esprit du juge » et ne pas se limiter à de simples allégations. A l’évidence, ces éléments doivent être obtenus de manière loyale.

C’est ensuite à vous de démontrer que la décision contestée (recrutement, licenciement, rupture de la période d’essai etc.) est, au contraire, justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Enfin, il revient au juge de vérifier les éléments de fait présentés par le salarié et de se prononcer sur les justifications de l'employeur.

La possibilité de présumer une discrimination par une analyse statistique

La Cour de cassation vient de se prononcer sur le caractère probant des éléments issus d’une analyse statistique.

Dans cette affaire, un ancien salarié intérimaire s’estimait victime d’une discrimination à l’embauche en raison de son nom et plus largement de son origine.

Au soutien de sa prétention, il produisait une analyse statistique des embauches effectuées par la société en fonction du patronyme « européen » ou « extra-européen » des salariés. Cette analyse se basait alors sur le registre du personnel ainsi que sur l'organigramme de l'entreprise. Différentes données en étaient ressorties. Par exemple :

  • parmi les salariés à patronyme « européen » recrutés sous contrat à durée déterminée intérimaire, 18,07% s'étaient vus accorder un CDI contre 6,9% pour les salariés à patronyme « extra-européen » ;
  • 80,93% des salariés à patronyme « européen » étaient en CDI contre 21,43% des salariés à patronyme « extra-européen ».

Contrairement à ce que prétendait l’employeur, la Cour de cassation a admis le caractère probant des éléments issus de cette analyse statistique. Ils rejoignent ainsi la liste des éléments qui peuvent laisser supposer l'existence d'une discrimination.

Les juges se sont ensuite prononcés sur les justifications de l'employeur. Or, à l’exception de quatre noms sur vingt-deux, l’employeur n’a pas réussi à réfuter l’analyse de l’ex-salarié. C’est donc tout logiquement que la Cour de cassation a considéré que ce dernier ne justifiait pas d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour plus de précisions sur la discrimination, les Editions Tissot vous propose leur dossier synthèse :

Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2022, n° 21-19.628 (les éléments issus d’analyses statistiques peuvent laisser supposer l’existence d’une discrimination à l'embauche)
Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2022-139

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot