Congés payés : impact du droit de l’Union européenne sur l’acquisition et le report des congés payés en cas d’arrêt maladie
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Congés payés : règles applicables concernant l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie non professionnelle
Le Code du travail français ne prévoit pas que le salarié en arrêt maladie non professionnelle acquiert des congés payés pendant cette période.
La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) considère pour sa part que l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, qui concerne le droit aux congés payés, n’impose aucune condition de travail effectif pour acquérir des congés payés et interdit dès lors aux Etats membres de l’UE de priver les salariés en arrêt maladie d’un droit à congés payés (CJUE, 20 janv. 2009, Schultz-Hoff, aff. C- 350/06 ; CJUE, 24 janv. 2012, Dominguez, aff. C-282/10).
Néanmoins, cette directive, comme toutes les directives européennes, nécessite en principe d’être transposée en droit français par le biais de lois ou d’autres types de textes réglementaires (arrêté, décret, ordonnance) pour être applicable. A défaut, un particulier, et notamment un salarié, ne peut en demander l’application devant un tribunal français.
Par exception, les directives européennes non transposées en droit français peuvent être invoquées par des particuliers devant un tribunal français à l’encontre de l’Etat ou de personnes assimilées, dès lors qu’elles sont suffisamment claires, précises et inconditionnelles, et que l’Etat membre n’a pas procédé à leur transposition dans les délais impartis par les directives elles-mêmes (CJCE, 4 déc. 1974, Van Duyn, aff. 41-74). Un salarié peut donc solliciter le bénéfice de droits à congés payés au titre de sa période d’arrêt maladie si son employeur est une personne publique ou une personne privée chargée d’une mission de service public.
A contrario, les salariés travaillant pour des employeurs privés ne peuvent pas invoquer directement le bénéfice de droits à congés payés au titre d’une période d’arrêt maladie devant un tribunal français à défaut de transposition de cette directive en droit français. Toutefois, si le droit applicable dans chacun des Etats membres de l’UE peut faire l’objet d’une interprétation, les tribunaux des Etats membres sont tenus de les interpréter à la lumière des directives non transposées, dans un sens conforme à l’objectif qu’elles poursuivent, en tenant compte de leur finalité, dès lors que celles-ci sont précises et inconditionnelles (CJCE, 13 nov. 1990, Marleasing, aff. n° C-106/89).
En l’espèce, dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, des règles apparemment contradictoires de la convention collective (CCN des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957) et du règlement intérieur (règlement type annexé à la CCN) applicables étaient susceptibles de concerner une salariée en arrêt pendant plus de 2 ans et de répondre à la question de savoir si elle pouvait acquérir des congés payés pendant sa période d’arrêt maladie. Pour faire droit à la demande de la salariée, la cour d’appel avait interprété les règles contenues dans la convention collective à la lumière de la directive 2003/88/CE non transposée, position validée par la Cour de cassation.
La Cour de cassation ne s’arrête toutefois pas là puisqu’elle justifie également sa position en se référant à une décision de la CJUE, rendue sur le fondement de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, qui impose aux tribunaux des Etats membres, dans les litiges opposant des particuliers entre eux, de ne pas appliquer les règles nationales qui ne permettent pas l’acquisition de congés payés par un salarié pendant un arrêt maladie (CJUE, 6 nov. 2018, arrêt Bauer aff. C-569/16).
Par conséquent, les salariés d’employeurs privés ou publics devraient pouvoir solliciter le bénéfice de congés payés au titre de périodes d’arrêt maladie devant les tribunaux français en s’appuyant sur l’article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux.
Congés payés : règles applicables concernant le report des congés non pris du fait d’un arrêt maladie non professionnelle
L’acquisition de congés payés par les salariés en arrêt maladie peut être limitée par les règles nationales concernant le report des congés payés acquis mais non pris en raison de l’arrêt maladie.
En effet, la CJUE considère au regard de la finalité de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que lorsqu’un salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue en raison d'absences liées à une maladie non professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés. Néanmoins, elle estime par ailleurs que cette directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale prévoie la perte du droit à congés à la fin d’une période de report (CJUE, 20 janv. 2009, Schultz-Hoff, aff. C- 350/06). La période de report doit par contre dépasser de manière conséquente la durée de la période fixée pour prendre les congés payés. Tel est le cas d’une période de report de 15 mois (CJUE, 22 nov. 2011, KHS AG c/ Shulte, aff. C-214/10), mais pas celui d’une période de report de 9 mois (CJUE, 3 mai 2012, Neidel, aff. C-337/10).
Le Code du travail ne permet pour sa part le report des congés payés qui n’auraient pas pu être pris pendant la période fixée à cause d’un arrêt maladie non professionnelle que lorsque l’arrêt maladie a débuté alors que le salarié n’était pas déjà en congés payés. Il ne fixe par contre aucun délai à l’issue duquel le salarié perd le droit aux congés payés acquis.
En l’espèce, la cour d’appel avait considéré en interprétant le règlement intérieur à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 qu’il n’avait pas pour effet de priver le salarié de tout droit à report de ses congés payés acquis mais non pris.
Cependant, interprétant cet article comme ouvrant un droit aux congés payés dans le cadre d’une interruption de moins de douze mois consécutifs, y compris en cas d’arrêt de travail d’une durée supérieure, elle en déduisait que cela conduisait à instaurer une période de report de 12 mois, qui lui semblait conforme à la finalité de la directive européenne.
La Cour de cassation a donné tort à la cour d’appel sur ce point. Elle considère que l’article du règlement intérieur limite à 12 mois la période pendant laquelle un salarié absent notamment pour maladie peut acquérir des droits à congés payés mais qu’il n’a pas pour effet d’instaurer une période de report maximale à l’issue de laquelle les congés payés acquis mais non pris seraient perdus.
Elle estime par ailleurs que ne sont pas concernés par cet article les salariés bénéficiant d’un maintien de salaire pendant la suspension de leur contrat de travail, qui relèvent pour leur part de l’article 38 d de la convention collective, en vertu duquel leur absence est assimilée à du temps de travail effectif et ne peut de ce fait entrainer la réduction du droit à congés payés. Or, la salariée bénéficiait bien d’un maintien de salaire et n’était donc pas concerné par le règlement intérieur.
Bien que la question n’ait pas été soulevée en l’espèce car elle ne concernait pas la salariée, on peut souligner que le droit français est contraire au droit de l’UE concernant le droit au report des congés payés acquis mais non pris du fait d’un arrêt maladie débutant pendant une période de congés payés.
Par conséquent, les salariés ne pourraient-ils pas solliciter devant les tribunaux français un report des congés payés qui seraient compris dans une période d’arrêt maladie lorsque cet arrêt survient en cours de congés payés ? Dans l’attente de connaître la position de la Cour de cassation, la vigilance reste de mise.
Cour de cassation, chambre sociale, 15 septembre 2021, n° 20-16.010 (conformément aux décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, dans les litiges entre particuliers, le droit interne peut être interprété au regard de directives européennes non transposées, voire même écarté au profit de textes européens. Le présent arrêt en constitue une illustration en matière d’acquisition et de report de congés payés en période d’arrêt maladie. Les dispositions conventionnelles applicables au sein des organismes de sécurité sociale sont interprétées à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003)
Juriste en droit social
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