Clause de dédit-formation : préserver les intérêts de votre entreprise

Publié le 11/02/2008 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:20 dans Contrat de travail.

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Un de vos salariés souhaite suivre une formation pour acquérir de nouvelles compétences. Vous êtes plutôt intéressé par sa démarche, mais la formation envisagée est longue et coûteuse et vous préféreriez être certain d’avoir un réel retour sur cet investissement ? Pour faire en sorte que ce salarié ne vous quitte pas quelques mois après son retour de formation, vous pouvez recourir à une clause de dédit-formation.
A quoi sert la clause de dédit-formation ?

Un accord réciproque. Cette clause permet de formaliser un accord conclu entre l’employeur et le salarié : d’un côté, l’employeur s’engage à financer une formation particulière à un salarié pour les besoins de ses fonctions, de l’autre, le salarié s’engage à rester au service de son employeur pendant une certaine durée et à rembourser le coût de cette formation en cas de départ prématuré de l’entreprise.

Des intérêts communs. Avec la clause de dédit-formation, le salarié a la possibilité d’accéder à des formations, souvent longues et coûteuses, que vous prendrez en charge.

De son côté, l’entreprise protège ses intérêts à deux niveaux :
  • elle « amortit » dans le temps les frais qu’elle engage pour financer la formation ;
  • elle conserve le bénéfice des compétences acquises par le salarié, qui ne les mettra pas immédiatement à profit au sein d’une entreprise concurrente.

Notre conseil :
Sauf si une formation est prévue dès l’embauche, évitez d’insérer une clause de dédit-formation lors de la rédaction du contrat de travail. Elle ne serait pas valable.

La clause de dédit-formation ne peut pas être appliquée :
- lorsque la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur ;
- aux contrats de formation en alternance.
Quand et comment mettre en place une telle clause ?

Avant le début de la formation. Une fois que vous vous êtes mis d’accord avec le salarié sur le choix d’une formation, vous devez conclure, avant le début de celle-ci, une convention particulière fixant les modalités de la formation (dates, horaires, frais, etc.). Ce n’est qu’à cette condition que vous pourrez faire signer au salarié une clause de dédit-formation.

En concluant un avenant au contrat de travail. La clause prend la forme d’un avenant au contrat de travail du salarié. Il peut s’agir d’une simple lettre précisant qu’il s’agit d’un avenant, qui sera établie en double exemplaire et contresignée par le salarié (comme pour le contrat initial).

Validité de la clause. Pour être valable, la clause de dédit-formation doit répondre à certaines conditions de mise en place :
  • elle doit faire l’objet d’une convention particulière conclue avant le début de la formation (voir ci-dessus) ;
  • elle ne doit pas avoir pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner : le montant de l’indemnité de dédit ne doit pas excéder le coût réel de la formation et la durée de l’engagement du salarié de rester à votre service doit être courte (2 à 3 ans en général) ;
  • les frais de formation que vous engagez doivent être supérieurs aux dépenses de formation exigées par la loi ou la convention collective.

Par ailleurs, lorsque vous rédigez la clause, vous devez obligatoirement y indiquer :
  • la date, la nature et la durée de la formation ;
  • son coût réel pour vous ;
  • la durée de l’engagement du salarié de rester à votre service ;
  • le montant de l’indemnité de dédit et les modalités de remboursement à la charge du salarié qui ne respecterait pas la clause et quitterait l’entreprise avant l’échéance prévue (voir ci-dessous).

Notez-le : La clause de dédit-formation est nulle si l’une de ces conditions de validité n’est pas remplie.


Comment fixer le montant de l’indemnité de dédit ?

L’indemnité ne doit pas correspondre à une simple estimation forfaitaire, mais à une évaluation précise et détaillée des dépenses engagées.

Calculer l’effort de formation. Seules les dépenses de formation qui dépassent le montant des dépenses obligatoires (auxquelles est assujettie l’entreprise – participation au financement de la formation professionnelle) peuvent entrer dans le cadre d’une clause de dédit-formation. Vous devez donc être en mesure de chiffrer précisément le coût réel des frais supérieurs à ceux imposés par la loi.

Il est toutefois possible de prendre en compte la totalité du coût de la formation, si celle-ci n’était pas prévue au plan de formation, et qu’elle dépasse votre obligation en la matière.

Fixer le montant de l’indemnité. Ce montant peut correspondre à la totalité de l’effort que vous aurez consenti pour payer cette formation, mais il peut aussi être moins élevé.

Dans tous les cas, le montant de l’indemnité doit être proportionné aux frais engagés. Vous pouvez tenir compte du coût de la formation, mais également du salaire versé (notamment si la formation est suivie pendant le temps de travail), des charges correspondantes (prises en charge éventuelle des frais de transport, d’hébergement, de repas, etc.).

En cas de litige, le juge a toujours la possibilité de réduire l’indemnité de dédit s’il la juge manifestement excessive.


Comment déterminer la durée de la clause ?

La clause de dédit-formation est généralement mise en place pour dissuader le salarié de quitter l’entreprisependant une certaine durée suivant la formation dont il a bénéficié. Il s’agit pour vous de la durée « d’amortissement » de cette formation.

Aucun délai n’étant prévu par la loi, vous devez donc fixer cette durée de manière objective, en prenant en compte, notamment, la durée de la formation suivie et son coût. En tout état de cause, la durée ne doit pas être excessive, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas empêcher le salarié de démissionner.

Les tribunaux ont reconnu comme valables des clauses prévoyant un délai de 6 mois à 5 ans, selon la durée et le coût de la formation.

A l’issue de la durée de la clause, celle-ci cesse de s’appliquer. Le salarié peut quitter librement l’entreprise sans être dans l’obligation de rembourser les frais de formation.

Notre conseil :
Pensez à consulter votre convention collective avant de conclure une telle clause, elle peut prévoir des modalités spécifiques.


Prévoir les modalités de remboursement de l’indemnité de dédit

Préciser les cas de remboursement. Le salarié devra rembourser l’indemnité de dédit pour tout départ de l’entreprise à son initiative, c’est-à-dire en cas de démission.

Mais attention, rien ne vous empêche de mentionner dans la clause le cas du licenciement pour faute. En effet, un salarié pourrait être tenté de commettre une faute afin de quitter l’entreprise sans avoir à rembourser l’indemnité de dédit.

Attention : si le salarié rompt son contrat en raison d’une faute de votre part (non-paiement du salaire par exemple), la clause ne s’applique pas.

Organiser le remboursement. Plutôt que de prévoir un montant fixe, quel que soit le moment du départ du salarié, il est fortement conseillé d’organiser le remboursement de manière dégressive. Vous pourrez ainsi tenir compte de la durée de l’engagement du salarié et du temps pendant lequel cet engagement aura été respecté.

Vous pouvez, par exemple, prévoir une dégressivité mensuelle, au prorata du temps passé. L’indemnité est mensualisée (montant / durée) et chaque mois resté à votre service sera déduit du montant de l’indemnité due lors du départ.

La dégressivité peut également être mise en place par tranches (x euros les 6 premiers mois, puis un nouveau montant en baisse tous les 6 mois, etc.), jusqu’à l’expiration de la période couverte par la clause.

Pensez à préciser dans la clause la date à laquelle l’indemnité sera exigible : date du départ effectif, date de la démission, etc. Sachez que vous pouvez également prévoir un remboursement unique ou un échelonnement mensuel. Prévoyez alors celui-ci dès la signature de la clause.

Ce remboursement est dû sous réserve que vous ayez, vous-même, respecté votre engagement en matière de formation.
La renonciation est toujours possible

Vous avez, à tout moment, la possibilité de revenir sur cette clause et de décider qu’elle ne sera pas appliquée :
  • soit, à la suite de la formation, pendant la durée du contrat ;
  • soit lors du départ du salarié ;
  • soit, encore, après son départ si l’indemnité est remboursée en plusieurs fois.

Mais soyez particulièrement clair sur ce point. N’hésitez pas à formuler votre décision par un écrit que vous communiquerez au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres contre décharge.

Le fait de mentionner « libre de tout engagement » dans le certificat de travail délivré au salarié n’est, par exemple, pas suffisant.


H. Soulas