Rémunération des heures de délégation
Les salariés occupant un mandat de représentant du personnel peuvent se voir attribuer des heures de délégation. Ces heures leur permettent d’accomplir les tâches nécessaires à l’exécution de leur mandat. L’employeur doit assurer la rémunération de ce temps de délégation sans toutefois en faire mention dans les bulletins de paie.
La bonne méthode
Déterminer les droits à délégation
Le nombre d'heures dont bénéficient les représentants du personnel est fixé par le Code du travail. Un accord d'entreprise peut prévoir d'abonder les crédits d'heures légaux ou d'attribuer des heures à des représentants n'en bénéficiant pas (exemple : les élus du comité social et économique suppléants ne bénéficient pas d'heures de délégation).
Le crédit d'heures est attribué personnellement au salarié bénéficiaire. Ce crédit constitue un maximum mensuel pouvant être utilisé. Le salarié peut ne pas utiliser tout ou partie du crédit qui lui est attribué, mais les heures restantes ne pourront pas être reportées sur le mois suivant. En outre, le crédit ne peut pas être cédé en tout ou partie à un autre salarié de l'entreprise, même si celui-ci est titulaire d'un mandat de représentant du personnel, sauf lorsque la loi prévoit expressément cette possibilité.
La possibilité de transférer et de cumuler les heures dans certains plafonds est expressément prévue par la loi pour le comité social et économique.
Vérifier la nature des heures de délégation
Ces heures de délégation peuvent être accomplies pendant les heures de travail ou en dehors si l'exercice du mandat l'impose. Les heures effectuées sont considérées comme du temps de travail effectif et payées en tant que tel.
Si l’accomplissement des heures de délégation aboutit à dépasser la durée de travail contractuelle du salarié, les heures effectuées au-delà de ce plafond sont rémunérées en heures supplémentaires (ou en heures complémentaires pour les salariés à temps partiel).
Un temps de trajet effectué hors temps de travail par un salarié placé en heures de délégation, lorsqu’il dépasse le temps de trajet habituel du salarié pour se rendre de son domicile à son lieu de travail, est rémunéré au titre des heures de délégation et pris en compte à titre exceptionnel pour déterminer si le salarié doit se voir rémunérer des heures supplémentaires sur la semaine.
Rémunérer les heures de délégation
Les heures de délégation prises sur l'horaire de travail sont incluses dans cette assiette et la multiplication au taux horaire. Si le taux horaire est affecté d'un taux de majoration, par exemple en raison de l'ancienneté, du travail de nuit, du travail dominical, etc., il doit être appliqué exactement de la même manière que si le salarié avait été à son poste de travail. Le traitement est identique pour les heures prises hors horaire de travail ouvrant droit aux majorations d’heures supplémentaires.
Un représentant du personnel a un horaire de 35 heures par semaine et n’est pas concerné par la déduction forfaitaire spécifique. Il perçoit 1820,04 euros brut pour 151,67 heures par mois. Sur un mois donné, au cours d'une semaine, il utilise cinq heures de délégation pendant son horaire et, au cours d'une autre, cinq heures en dehors. La fiche de paie se présente donc de la façon suivante :
Salaire de base : 151,67 h x 12 euros = 1820,04 euros par mois
Heures supplémentaires 25 % : 5 h x (12 x 1,25) = 75 euros
Salaire brut soumis à cotisations = 1895,04 euros
La rémunération des heures de délégation ne doit pas figurer dans le bulletin de paie du salarié sous une rubrique « heures de délégation ». Elles doivent être intégrées dans les rubriques classiques rémunérant le temps de travail du salarié. Par contre, l'employeur doit fournir au salarié un document synthétisant chaque mois les heures de délégation effectuées et leurs modalités de rémunération.
Gérer le cas des éléments de rémunération variables
Le salarié en délégation ne doit subir aucune perte de rémunération par rapport aux salariés restant à leur poste. La conséquence réside dans l’obligation faite à l’employeur d’adapter tous les éléments de rémunération variables pour neutraliser l’impact des absences pour délégation ou pour se rendre aux réunions organisées par l’employeur.
Pour une prime attachant une rémunération en fonction du nombre de rendez-vous clientèle comptabilisés, il faut distinguer :
- les heures que les salariés titulaires d’heures de délégation soumis à cette prime ont effectivement passées à leur poste de travail : on leur applique la formule de calcul sur la base d'objectifs réduits au prorata des absences liées aux mandats ;
- les heures d'exercice du mandat : une somme égale au montant moyen de la prime versée, pour un temps équivalent, aux autres salariés.
Evitez les erreurs
Ne pas mentionner les heures de délégation sur le bulletin de paie
Si l’employeur fait référence à la détention par un salarié d’un mandat de représentant du personnel dans son bulletin de paie, notamment par l’ajout d’une ligne « heures de délégation », il s’expose à plusieurs sanctions.
La première est une amende telle que prévue pour les contraventions de 3e classe (soit un montant de 450 euros par bulletin concerné). Ensuite, l’employeur peut être attaqué en justice par le salarié réclamant des dommages-intérêts pour l’éventuel préjudice subi. Enfin, des poursuites pénales peuvent être engagées au titre du délit d’entrave, exposant l’employeur à une peine de 7500 euros d’amende.
Traiter les dépassements du crédit d’heures
Lorsqu’un salarié utilise sur un mois donné plus d’heures de délégation que son crédit mensuel, ces heures constituent en principe des absences injustifiées. Mais le salarié justifiant de circonstances exceptionnelles peut obtenir le paiement de ces heures excédant son crédit. Ces circonstances peuvent être le déclenchement d’une importante procédure de licenciement économique, la survenance de graves accidents du travail, la mise sous protection judiciaire de l’entreprise, etc.
Si le salarié ne peut justifier de ces circonstances, l’employeur est fondé à procéder à une retenue de salaire correspondant aux heures excédentaires prises pendant l'horaire de travail s’il a dans un premier temps payé ces heures. Cette retenue doit apparaître dans le bulletin sous une rubrique intitulée « absence injustifiée » ou une appellation similaire, sans faire référence au terme « heures de délégation » ou au terme « mandat ». La retenue peut être opérée sur le bulletin de salaire du mois au cours duquel le dépassement s'est produit ou sur celui du mois suivant, le temps de procéder aux vérifications avec l'intéressé. Il est conseillé d’adresser un courrier au salarié expliquant la déduction opérée sur le salaire. Cette déduction doit s’opérer en respectant les limites prévues pour les saisies sur salaire.
En revanche, les heures excédentaires irrégulièrement prises en dehors de l'horaire n'ont aucune incidence sur la rémunération de l'intéressé.
Questions-réponses
L’employeur peut-il refuser de payer les heures de délégation ?
Non, même s’il en conteste la véracité. En effet, pour obtenir une condamnation du salarié utilisant abusivement son crédit d’heures, l’employeur doit en premier lieu payer les heures litigieuses au salarié, y compris les heures posées hors horaire habituel du travail. Un refus n’est possible que pour les heures prises au-delà du crédit à disposition du salarié.
L’employeur doit ensuite demander au salarié de préciser l’objet des heures de délégation. Il peut ensuite agir devant le conseil de prud’hommes pour contester l’utilisation des heures et en obtenir le remboursement par le salarié. Pour les heures prises au-delà du crédit à disposition du salarié non justifiées par des circonstances exceptionnelles et déjà payées, l’employeur peut procéder directement à la retenue sur salaire sans nécessité de saisir les juges.
Toute pratique contraire en cas de litige sur les heures de délégation constitue de la part de l’employeur un délit d’entrave.
Si un salarié en arrêt maladie pose des heures de délégation, l'employeur n'est contraint de rémunérer ses heures qu'à condition que son médecin traitant ait expressément autorisé la poursuite de l'exercice du mandat. À défaut, l'employeur peut refuser de régler ces heures, le salarié pouvant déjà prétendre aux indemnités journalières de la Sécurité sociale.
Le temps passé par le représentant du personnel à une réunion organisée par l’employeur doit-il être décompté du crédit d’heures de délégation ?
Non, ce temps de réunion ne se déduit pas du crédit d'heures de délégation dont dispose, le cas échéant, le représentant du personnel.
Le temps passé aux réunions du comité social et économique et de ses commissions par les membres de la délégation du personnel au CSE est payé comme temps de travail effectif dans la limite d'une durée globale fixée par accord d'entreprise ou, à défaut, par le Code du travail. L'article R. 2315-7 fixe cette durée à 30 heures pour les entreprises de 300 salariés à moins de 1000 salariés et 60 heures pour les entreprises d'au moins 1000 salariés. Au-delà, les membres du CSE doivent donc utiliser leur crédit d’heures de délégation pour s’assurer un maintien de salaire pour le temps de réunion. Une fois le crédit d’heures de délégation épuisé, alors le temps passé en réunion peut être déduit de la rémunération du salarié comme une absence injustifiée. Le temps passé aux réunions plénières du comité et aux réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail est toujours rémunéré comme temps de travail. Ce temps n'est pas pris en compte pour le calcul du plafond des temps de réunion rémunérés.
Le Conseil d’État a rendu une décision considérant que le Code du travail applique bien le plafond des 30 heures et des 60 heures sur les temps passés tant aux réunions plénières qu’aux réunions des commissions. Seul le temps passé aux réunions de la commission SSCT est toujours payé sans déduction du crédit d’heures de délégation. Cette position du Conseil d’État nous semble toutefois discutable et le ministère du Travail ne suit pas cette position dans son document Questions-Réponses sur le CSE.
Sauf abus, l’employeur doit rembourser sur demande les frais professionnels engagés par les représentants du personnel pour se rendre aux réunions organisées par l’employeur. Il est toutefois possible qu’un accord d’entreprise vienne définir un cadre et des limites à ces remboursements.
L'employeur doit également indemniser le salarié pour le temps pris en dehors de l'horaire normal de travail pour se rendre à la réunion et dépassant le temps habituel pour se rendre à son poste de travail à partir de son domicile. Ainsi, le temps de trajet effectué par le représentant du personnel pour se rendre à une réunion, convoquée par l'employeur, doit être considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel pour la partie excédant le temps de trajet habituel du salarié entre son domicile et le lieu normal de travail.
Comment doit être calculé le crédit d’heures de délégation des salariés à temps partiel ?
Un salarié à temps partiel dispose du même crédit d’heures qu’un salarié à temps complet. Son crédit d’heures n’a donc pas à être proratisé en fonction de sa durée de travail.
Par contre, un salarié à temps partiel disposant d'heures de délégation ne peut utiliser ses heures de délégation pendant ses périodes de travail que dans une certaine limite. Le temps de délégation ne peut dépasser un tiers de la durée mensuelle de travail du salarié à temps partiel. Les heures de délégation qui ne seront alors pas comprises dans le temps de travail pourront être utilisées hors temps de travail.
Comment doit être calculé le crédit d’heures de délégation des salariés en forfait jours ?
Pour les salariés en forfait jours disposant d’un mandat de représentant du personnel, un accord d’entreprise peut fixer les modalités leur permettant de poser des heures de délégation et d’en obtenir le paiement.
Faute d’accord, les heures de délégation utilisées doivent être regroupées en demi-journées de travail pour une équivalence de 4 heures. Chaque demi-journée prise en délégation réduit d’autant le nombre de jours annuels à travailler par le salarié en application de son contrat de travail. Ces demi-journées sont déduites du nombre de jours à travailler sur l’année et donnent lieu au maintien de la rémunération. S’il reste au salarié moins de 4 heures, il peut obtenir néanmoins une demi-journée supplémentaire venant se déduire du nombre annuel de jours à travailler.
Comment doivent être rémunérées les heures de délégation prises le jour par un travailleur de nuit ?
Un travailleur de nuit peut prendre des heures de délégation en journée pour les besoins de son mandat. Il peut également se rendre aux réunions organisées en journée par l’employeur.
Le travailleur de nuit qui bénéficie habituellement de majorations de salaire ou de primes pour les heures effectuées la nuit doit conserver le bénéficie de ces majorations et primes pour les heures de délégation prises le jour.
Cette règle vaut aussi pour les salariés amenés à travailler habituellement le week-end et qui sont conduits, dans l’exercice de leur mandat, à prendre des heures de délégation en semaine.
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Textes officiels
C. trav., art. L. 2315-10 (paiement des heures de délégation), L. 2315-13 (cas des intérimaires), R. 3243-4 (interdiction de mentions relatives à l’exercice d’un mandat dans le bulletin de paie), L. 2315-11 et R. 2315-7 (paiement du temps de réunion et limites aux temps de réunion faisant l’objet d’un maintien de salaire), R. 2315-4 (paiement des heures de délégation des membres du CSE en forfait annuel en jours), R. 2315-5 et R. 2315-6 (limites aux heures de délégation utilisables sur un mois donné)
Cass. soc., 17 janvier 2013, n° 11-17.745 (conservation des primes liées aux sujétions particulières de l’emploi lors de l’utilisation des heures de délégation)
Cass. soc., 12 juin 2013, n° 12-15.064 et Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-17.038 (temps de trajet et réunion organisée par l’employeur)
Cass. soc., 27 novembre 2013, n° 12-24.465 (heures de réunion pendant congés payés)
Cass. mixte, 21 mars 2014, n° 12-20.002 (heures de délégation pendant arrêt maladie)
CE, 15 juillet 2020, n° 418543 (limitation du maintien de salaire pour les temps de réunions plénières)
Cass. soc., 16 septembre 2020, n° 18-23.805, et 14 octobre 2020, n° 18-24.049 (contestation des heures de délégation par l’employeur)
Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 19-19.685 (traitement des heures prises au-delà du crédit d’heures de délégation)
Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-22.038 (conséquences du temps de trajet effectué pendant les heures de délégation sur le décompte des heures supplémentaires)
Cass. soc., 16 février 2022, n° 20-19.194 (saisine possible du juge pour demande de remboursement des heures de délégation payées lorsque le salarié refuse de fournir des explications sur leur utilisation)
Cass. soc., 9 novembre 2022, n° 21-16.230 (nécessité de poser des heures de délégation pour assister à une réunion dédiée à l’analyse d’un droit d’alerte aux droits des personnes)
Cass. soc., 10 juillet 2024, n° 23-11.770 (modalités de retenue sur salaire suite à dépassement injustifié du crédit mensuel)
Cass. soc., 3 juillet 2024, n° 22-22.283 (heures de délégation et primes d’objectifs)