Obligation de sécurité et résiliation judiciaire : sur qui pèse la charge de la preuve ?
Temps de lecture : 4 min
Un salarié peut, afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, invoquer un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Mais dans ce scénario, qui doit supporter la charge de la preuve ?
Obligation de sécurité : une charge de la preuve supportée par l’employeur…
Chaque employeur doit, en vertu de son obligation de sécurité, prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Celui-ci se retrouve alors tenu de mettre en place :
- des actions de prévention des risques professionnels ;
- des actions d'information et de formation ;
- une organisation et des moyens adaptés.
Pour identifier la nature des mesures à déployer, il devra s’appuyer sur les neuf principes généraux de prévention (éviter les risques, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, planifier la prévention, etc.).
Notez le
Ces mesures évolueront, le cas échéant, pour tenir compte du changement des circonstances et tendre vers l'amélioration des situations existantes.
La Cour de cassation assimile, depuis 2015, l’obligation de sécurité de l’employeur à une obligation de moyens renforcée. De ce fait, il revient à l’employeur de démontrer, en cas de litige, qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour satisfaire à son obligation.
Or, qu’en est-il lorsqu’un salarié invoque un tel manquement au soutien d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail ?
… même dans le cadre d’une action en résiliation judiciaire intentée par le salarié
Ce cas de figure a été récemment soumis à la Cour de cassation.
Pour mémoire, la résiliation judiciaire est un mécanisme de rupture à la seule disposition du salarié. Elle permet à ce dernier de solliciter la rupture de son contrat de travail, auprès du juge prud’homal, en raison de manquements suffisamment graves de son employeur. De ce fait, il lui appartient de démontrer la réalité des manquements invoqués.
La démarche entreprise peut alors déboucher sur :
- la rupture du contrat de travail qui, le cas échéant, produira les effets d’un licenciement nul ou injustifié ;
- la poursuite de l’exécution du contrat de travail.
En l’espèce, un salarié, victime d’un accident sur son lieu de travail, fondait sa prétention sur l’inobservation, par l’employeur, des règles de prévention et de sécurité à l’origine de l’évènement.
Bon à savoir
La Cour de cassation a déjà jugé, par le passé, que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité pouvait être de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 8 juin 2017, n° 16-10.458).
Sa demande est cependant rejetée en premier ressort et à hauteur d’appel.
Les juges d’appel motivent leur décision sur le fait que le salarié :
- n’avait pas expliqué les circonstances dans lesquelles il avait été blessé sur son lieu de travail ;
- ne pouvait pas mettre en avant qu’il revenait à l'employeur de prouver qu'il avait satisfait à son obligation de sécurité dans la mesure où il revenait, à lui seul, d’en démontrer la violation.
Cette analyse est cependant cassée par la Cour de cassation qui considère, à l’inverse, que:
- si l’action en résiliation judiciaire d’un salarié est fondée sur un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime ;
- il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues pour satisfaire à son obligation.
Au regard du litige, la Haute juridiction en déduit que la cour d’appel avait injustement inversé la charge de la preuve.
L’affaire devra donc être rejugée.
Pour en savoir davantage sur l’obligation de sécurité de l’employeur, les Editions Tissot vous proposent leur documentation :
Cour de cassation, chambre sociale 28 février 2024, n° 22-15.624 (lorsque le salarié invoque un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime, il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures pour satisfaire à son obligation de sécurité)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
- Plainte pour harcèlement au travail : les alternatives à l’enquête internePublié le 11/12/2024
- Suites de l'inaptitude : la lenteur de l'employeur peut justifier une rupture du contrat de travail à ses tortsPublié le 06/12/2024
- Formation à la santé-sécurité au travail : l’INRS dévoile son catalogue pour 2025Publié le 04/12/2024
- La rémunération des heures de délégation pendant un arrêt maladiePublié le 03/12/2024
- L’Inspection du travail peut-elle consulter le programme annuel de prévention des risques professionnels (PAPRIPACT) ?Publié le 27/11/2024