Harcèlement moral : sanctionnez vite !

Publié le 12/10/2022 à 07:24, modifié le 25/10/2022 à 15:15 dans Risques psychosociaux.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Quand un manager harcèle moralement un salarié, comment réagir ? En le sanctionnant, voire en le licenciant, a priori. Oui, mais ce n’est pas tout. Une récente jurisprudence de la Cour de cassation vient apporter des précisions sur la façon de gérer une situation de harcèlement moral en entreprise.

Sanctionner un auteur de harcèlement moral

Récemment, la Cour de cassation a examiné la question du licenciement d’un directeur auteur de faits de harcèlement moral.

Dans sa lettre de licenciement, il lui est reproché d’avoir :

  • forcé ses collaborateurs à déménager pour les mettre en open space et de s’être rendu au domicile d’un collègue, alors en arrêt de travail, pour lui faire passer son entretien d’évaluation ;
  • harcelé moralement une collègue, la plaçant par son comportement au bord de la dépression ;
  • menti en dénonçant à tort un comportement fautif de cette salariée ;
  • adopté un comportement irrespectueux à l’égard de plusieurs collaborateurs et, envers les femmes, une attitude mêlant ambiguïté sexuelle et tyrannie

Son employeur l’a donc licencié pour faute grave courant 2016.

Harcèlement moral : un licenciement injustifié ?

Le jugement reconnaît la matérialité des faits de harcèlement moral. Pourtant, dans un arrêt du 12 juillet 2022, la Cour de cassation clame que le licenciement pour faute grave n’est pas justifié par une cause réelle et sérieuse.

Pourquoi ?

Les débats ont mis en évidence que le directeur avait régulièrement partagé avec sa direction ses constats relatifs à l'insuffisance de sa collègue. L'employeur avait d'ailleurs pris fait et cause pour lui en défendant les décisions prises en réponse aux doléances de l'époux de la salariée qui se plaignait de harcèlement.

Par ailleurs, le processus de changement et de réorganisation au sein de la direction dont il avait la charge avait été conduit en concertation avec son supérieur hiérarchique et le directeur des ressources humaines.

La direction de ce directeur lui avait d’ailleurs témoigné sa satisfaction, dans les semaines précédant sa mise à pied, au travers de sa rémunération variable.

Le comportement du salarié incriminé était donc le résultat d'une position managériale partagée et encouragée par l'ensemble de ses supérieurs hiérarchiques.

Il en résulte que licencier par la suite ce directeur est incohérent.

En outre, aucune pièce ne permet de confirmer les agissements fautifs qui lui sont prêtés avec les autres salariés nommés dans la lettre de licenciement.

Harcèlement moral : réagir dès la connaissance des faits

Comme le souligne la Cour de cassation, l'employeur connaissait le comportement harcelant et ne l’a pas immédiatement réprouvé.

Il aurait dû le sanctionner plus rapidement et ne jamais l’encourager.

Au-delà des discours mettant en parallèle la performance opérationnelle et la performance sociale, il est courant d’entendre des directions couvrir un manager harcelant en mettant en avant qu’il atteint ses objectifs ou qu’il est bon.

Mais la fin ne justifie pas les moyens. Une entreprise qui ferme les yeux sur de tels agissements, même en l’absence de conséquences sur la santé observées, ne respecte pas son obligation de résultat en santé au travail. En outre, une attitude de déni, voire de complicité, entraîne une défiance des victimes et augmente les difficultés à témoigner au sujet des situations problématiques.

Dans une telle situation, une entreprise peut :

  • en amont, communiquer clairement et régulièrement sur ce qui est acceptable et ne l’est pas dans le cadre des relations de travail ;
  • sensibiliser l’ensemble des salariés sur les violences au travail ;
  • tenir compte de l’aspect relationnel dans l’évaluation du travail des managers.

Dès lors qu’une alerte est portée à sa connaissance, une entreprise doit :

  • recadrer systématiquement et rapidement en cas d’agissements répréhensibles ;
  • mener une enquête dès connaissance de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral ;
  • et sanctionner leur auteur immédiatement s’ils sont avérés.

Pour en savoir plus sur le harcèlement moral, nous vous recommandons notre documentation « RPS et QVT : le pas à pas d’une démarche à succès ». Vous pouvez également télécharger notre schéma pour connaître la marche à suivre en cas de signalement de faits de harcèlement par des salariés.

Cour de cassation, chambre sociale, 12 juillet 2022, n° 20-22.857 (le comportement du salarié, qui était le résultat d'une position managériale partagée et encouragée par l'ensemble de ses supérieurs hiérarchiques, ne rend pas impossible son maintien dans l'entreprise)

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Michaël Bouvard

Chargé de mission qualité de vie au travail

Chargé de mission qualité de vie au travail, j'oeuvre sur différents sujets relevant de ce domaine : prévention et évaluation des risques psychosociaux, prise en compte de la qualité de vie au …