Faute grave du salarié protégé : la réintégration est-elle possible en cas de harcèlement moral ?

Publié le 22/12/2021 à 06:43 dans Risques psychosociaux.

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Un salarié, représentant du personnel, qui est licencié pour faute grave doit-il être réintégré si l’autorisation de licenciement accordée par l’inspection du travail est annulée ? Oui ? Votre réponse est-elle toujours affirmative si la cause du licenciement tient au harcèlement moral commis par ce salarié à l’encontre de ses équipes ? La Cour de cassation va nous éclairer…

Salarié protégé, licenciement et réintégration

Le principe est simple et relativement connu au sein des entreprises : tout salarié titulaire d’un mandat, tel que le membre élu du CSE par exemple, bénéficie d’un statut protecteur.

Cela signifie par exemple qu’avant d’envisager un licenciement, l’employeur doit solliciter une autorisation préalable auprès de l’inspection du travail, qui va s'assurer de l’absence de lien entre la décision envisagée par l’employeur et les fonctions de représentant du personnel.

Ce n’est donc qu’après avoir obtenu cette autorisation que le licenciement pourra être prononcé.

Mais que se passe-t-il si un recours est formé contre l’autorisation de l’inspection du travail et que celle-ci est annulée ? Le salarié peut alors demander à être réintégré dans l’entreprise. Sauf exception.

Licenciement pour faute grave, réintégration et harcèlement moral

Tout principe a ses exceptions. Il en est une qui trouve son fondement dans l’obligation de prévention de harcèlement moral qui pèse sur l’employeur.

Illustration :
Une salariée, qui bénéficie d’un statut protecteur, est licenciée pour faute grave par ses deux employeurs en raison de faits de harcèlement moral à l’encontre de ses équipes. Les employeurs ont préalablement obtenu une autorisation administrative de licenciement de l’inspectrice du travail.
Sur recours hiérarchique, cette autorisation est annulée par le ministre du Travail.
La salariée sollicite donc sa réintégration au sein des entreprises.
Les employeurs refusent alors. Sa réintégration serait impossible « du fait de la nature des faits reprochés, celle-ci étant la supérieure hiérarchique du personnel soutenant avoir été victime du harcèlement de cette dernière, ayant déjà exercé leur droit de retrait ». Ils ajoutent « qu'en procédant à une telle réintégration ils auraient exposé « les victimes à leur harceleur ».
Ce motif est-il suffisant pour la Cour de cassation ? La réintégration était-elle incontournable ?

Raisonnement en deux temps par la Haute juridiction :

  1. Le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être, s'il le demande, réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent.
    L'employeur ne peut donc licencier ce salarié que s'il a satisfait à cette obligation ou s'il justifie d'une « impossibilité de réintégration » ;
  2. Tenu par son obligation de sécurité dont participe l'obligation de prévention du harcèlement moral, l'employeur ne pouvait pas réintégrer la salariée dès lors que celle-ci était la supérieure hiérarchique des autres salariés de l'entreprise, lesquels soutenaient avoir été victimes du harcèlement moral de cette dernière et avaient à ce propos exercé leur droit de retrait.

Ici, l'impossibilité de réintégration était donc bien justifiée.

Le juge se fonde habituellement sur l’obligation de sécurité – et/ou sur l’obligation de prévention du harcèlement moral – pour engager la responsabilité de l’employeur.
Dans cette affaire, ce sont ces mêmes obligations qui ont permis à l’employeur de ne pas réintégrer la salariée protégée.

De l’importance des principes généraux de prévention !

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Cour de cassation, chambre sociale, 1er décembre 2021, n° 19-25715 (l’impossibilité de réintégration peut être constituée en raison de l’obligation de prévention du harcèlement moral)

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Sabine Guichard

Sabine Guichard, juriste de droit social de formation, a successivement occupé des postes en entreprise et fédération professionnelle, d'abord en conseil puis de manière opérationnelle. Aujourd'hui, …