Intérêt à agir des syndicats : la limite de la régularisation de la situation individuelle des salariés
Temps de lecture : 3 min
Pour saisir la justice, un syndicat doit, comme tout justiciable, justifier d’un intérêt à agir. Seulement, cela ne l’autorise nullement à introduire une demande tenant à la régularisation de la situation individuelle de salariés lésés.
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Intérêt à agir des syndicats : rappel
Tout syndicat professionnel dispose du droit d’agir en justice (art. L. 2132-3 du Code du travail).
Bon à savoir
Cette capacité de saisine n’est pas réservée aux seuls syndicats représentatifs mais bien à tous ceux disposant d’une personnalité juridique.
De fait, une organisation syndicale peut exercer, auprès de toutes les juridictions, l’ensemble des droits réservés à la partie civile concernant des faits portant un préjudice, direct ou indirect, à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente.
La recevabilité de sa démarche se retrouve donc suspendue à l’existence d’un intérêt légitime à agir.
Or, il s’avère que les réalités recouvertes par cette notion sont relativement disparates. Et force est de constater que celles-ci ne cessent d’être affinées par la jurisprudence de la Cour de cassation.]
Pour autant, des limites existent aussi. Et la Haute juridiction est revenue sur l’une d’entre elles dans un arrêt rendu le 14 février 2024.
Intérêt à agir des syndicats : seuls les salariés peuvent obtenir la régularisation de leur situation
L’affaire soumise à la Cour de cassation reposait sur les faits suivants.
Une union syndicale avait sollicité puis obtenu, auprès du tribunal judiciaire de Nanterre, la régularisation, sous astreinte, du paiement des indemnités de douche dues à l’ensemble des salariés et des anciens salariés de l’entreprise.
Cependant, suite à l’appel interjeté par l’entreprise, la demande de l’union syndicale est jugée irrecevable par la cour d’appel de Versailles.
Le syndicat forme alors un pourvoi en cassation et invoque notamment, à l’appui de sa prétention, que sa demande ne visait aucunement des salariés nommément désignés mais qu'elle tendait à faire application de la convention collective à une collectivité de salariés objectivement définie.
Son pourvoi est toutefois rejeté par la Cour de cassation, conduite à faire application d’une jurisprudence constante.
Au visa de l’art. L. 2132-3 du Code du travail, elle rappelle qu’un syndicat peut, en effet, agir en justice pour :
- faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard :
- de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles,
- ou du principe d'égalité de traitement ;
- et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts, qu'il soit enjoint à celui-ci de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.
Mais elle ajoute aussitôt qu’un syndicat ne peut obtenir la condamnation de l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés. Et pour cause, une telle action relève de la seule liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.
Dès lors, elle confirme, s’agissant de l’affaire, la solution retenue par les juges d’appel. L’action de l’union syndicale n’était pas recevable dans la mesure où elle tendait à la modification de la situation individuelle des salariés concernés.
A charge pour eux d’intenter, le cas échéant, une nouvelle action judiciaire.
Pour en savoir davantage sur le droit d’agir en justice des organisations syndicales et des CSE, les Editions Tissot vous suggèrent leur documentation « CSE ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 14 février 2024, n° 22-20.535 (si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur, il ne peut obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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