Grève : l’attribution d’une prime peut être réservée à des salariés non-grévistes
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Le droit de grève constitue un droit à valeur constitutionnelle autour duquel s’est érigé, au fil de la jurisprudence, un dôme protecteur. Pour autant, il ne démunit pas complètement l’employeur de son pouvoir de direction, notamment en matière de rémunération.
Droit de grève : un exercice protégé
La grève est définie par la jurisprudence comme une cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles.
Les salariés exerçant normalement leur droit de grève bénéficient d’un régime protecteur. A ce titre, leur participation ne saurait :
- justifier la rupture de leur contrat de travail, sauf faute lourde ;
- donner lieu à aucune mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.
Ainsi, constitue une mesure discriminatoire à l’encontre des seuls salariés grévistes :
- la décision, prise après le déclenchement de la grève, de créer une prime et d'en faire varier le montant suivant que les salaries aient fait grève ou non alors que la quantité de tâches demandée au personnel non-gréviste pendant la période de grève, n'avait pas été plus importante qu'à l'accoutumée ;
- le fait d'attribuer une prime d'assiduité aux seuls salariés non-grévistes.
Cela étant, l’employeur dispose-t-il encore de la possibilité de verser une prime à des salariés non-grévistes, sans tomber pour autant dans la discrimination ?
Droit de grève : restriction du pouvoir de direction de l’employeur en matière de rémunération
Dans une affaire récente, un employeur avait décidé de verser une prime exceptionnelle à certains salariés non-grévistes. La raison ? Les efforts supplémentaires fournis par ces derniers, en dehors de leurs tâches habituelles, au cours de ces quatre mois de mobilisation.
S'estimant victimes d’une discrimination dans l'exercice de leur activité syndicale et de leur droit de grève, les salariés grévistes ont assigné l’employeur en justice pour obtenir le rappel de cette prime exceptionnelle.
Pour l’employeur, n’est pas discriminatoire le versement d'une prime à des salariés non-grévistes lorsque sa cause est étrangère à l'exercice du droit de grève. En effet, cette prime exceptionnelle :
- n’avait été versée qu’aux seuls salariés non-grévistes ayant accepté d'exécuter des tâches supplémentaires ne relevant pas du périmètre de leurs fonctions ;
- variait dans son montant en fonction des tâches effectuées.
La Cour de cassation confirme qu’une telle prime ne peut être qualifiée de discriminatoire dans la mesure où elle n’a été attribuée qu’à certains salariés non-grévistes, et ceci, en raison du surcroît de travail engendré par l’exécution de tâches ne relevant pas de leurs fonctions.
Il est évident que le fait d’avoir réservé cette prime aux seuls salariés non-grévistes ayant subi un surcroît de travail ou réalisé des tâches étrangères au périmètre de leurs fonctions durant ce temps de grève, fut ici déterminant pour exonérer l’employeur de toute mesure discriminatoire.
Cour de cassation, chambre sociale, 3 avril 2024, n° 22-23.321 (ne constitue pas une mesure discriminatoire l'attribution à certains salariés non-grévistes d'une prime exceptionnelle correspondant à un surcroît de travail ou à la réalisation de tâches en dehors de celles prévues par leur contrat de travail)
Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés
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