Témoignage anonyme : peut-on s’en servir pour prouver la faute d’un salarié ?
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Lorsqu’un salarié a un comportement fautif et que vous souhaitez le sanctionner, il faut vous assurer de pouvoir apporter la preuve de sa faute devant un tribunal. A cet effet, des attestations produites par les salariés peuvent avoir valeur de preuve. Mais est-ce toujours vrai si les salariés qui témoignent le font de façon anonyme ?
Témoignage d’un salarié : un élément de preuve recevable…
Vous pouvez demander à vos salariés ou à un tiers de remplir une attestation dans la perspective d’un éventuel prud’hommes, par exemple pour attester du comportement violent ou d’actes de harcèlement du salarié que vous souhaitez sanctionner.
Une telle attestation doit remplir certaines conditions pour être valable. Un modèle officiel prévoit notamment que cette attestation :
- soit écrite, datée et signée par le témoin lui-même ;
- soit accompagnée d’une photocopie recto/verso de tout document officiel justifiant de l’identité du témoin et comportant sa signature (carte d’identité, permis de conduire, passeport, etc.) ;
- reproduise de la main du témoin, une formule précise rappelant les sanctions pénales en cas de faux témoignage.
Vous pouvez télécharger ici le modèle officiel d’attestation de témoin :
Attention, une attestation insuffisamment circonstanciée ou reposant sur des éléments subjectifs, tels des impressions, sera écartée par les juges et insusceptible de justifier le licenciement.
Dans tous les cas, les juges apprécient librement la valeur et la portée des attestations et peuvent décider d’en tenir compte même s’il manque certains éléments.
Mais que se passe-t-il si le salarié qui témoigne le fait de façon anonyme ? L’attestation peut-elle quand même avoir une valeur ? Les juges viennent de répondre par l’affirmative sous certaines conditions.
… mais sous des conditions supplémentaires s’il est anonymisé
Dans cette affaire, un salarié a été licencié pour faute grave. Parmi les éléments fournis pour justifier cette faute, l'employeur produisait l’attestation d’un salarié qui avait accepté de témoigner sous anonymat craignant des représailles de la part des collègues dont il dénonçait le comportement. Un compte-rendu d’un entretien de ce salarié avec un membre de la DRH était aussi produit.
La cour d’appel a refusé de prendre en considération ces éléments comme preuve estimant qu’il était impossible de se défendre d’accusations anonymes.
A tort. La Cour de cassation considère en effet que le droit à un procès équitable suppose que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. Mais il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est néanmoins connue par l'employeur. Il faut pour cela que ces témoignages soient corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence.
Or dans cette affaire, l’attestation et le compte-rendu n’étaient pas les seules pièces produites par l’employeur pour prouver la faute du salarié. Dès lors, les juges du fond auraient dû accepter d’en tenir compte.
Bon à savoir
Une autre décision du même jour confirme cette position cette fois concernant une mise à pied disciplinaire dont un salarié de la même société demandait l’annulation.
Au-delà de ce cas particulier des attestations anonymes, les juges qui reçoivent des attestations de témoins provenant de salariés les étudient en gardant à l’esprit que les salariés ont un lien de subordination avec l’employeur. Il est donc préférable de ne jamais compter uniquement sur des attestations de salariés comme mode de preuve…
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Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023, n° 21-20.308 et n° 21-20.310 (si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés lorsque ceux-ci sont corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence)
Juriste en droit social
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