Licenciement nul : un salarié abandonnant sa demande de résiliation judiciaire peut être réintégré

Publié le 16/05/2023 à 09:00 dans Rupture du contrat de travail.

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Le salarié dont le licenciement a été annulé peut solliciter sa réintégration dans l’entreprise. Seulement, la faisabilité de ce retour interroge lorsque ce dernier avait, au préalable, demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Nouvellement amenée à s’exprimer sur ce sujet complexe, la Cour de cassation vient de préciser sa position.

Résiliation judiciaire : rappels

Issue du droit civil, la résiliation judiciaire est un mécanisme mobilisable par le salarié souhaitant acter la rupture de son contrat de travail, et ce, en raison de manquements suffisamment graves commis par l’employeur.

L’originalité de ce mode de rupture repose sur la nécessité de saisir le juge prud’homal. Il revient alors à ce dernier de déterminer si, au regard des griefs invoqués par le salarié, la demande de résiliation se trouve justifiée.

Deux types de solution peuvent être ainsi rendues :

  • si la demande est justifiée : la rupture du contrat de travail est prononcée au jour du jugement et produit, selon la nature des manquements de l’employeur, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul ;

  • si la demande est injustifiée : la poursuite du contrat de travail est ordonnée.

Notez le

Les juges apprécient les manquements imputés à l’employeur au jour du jugement. De ce fait, la demande du salarié peut être rejetée si vous régularisez entièrement la situation à cette date.

Ainsi, le contrat de travail continue d’être exécuté normalement au cours de la période séparant la saisine de la notification du jugement. La vie du contrat se poursuivant, de nouveaux faits peuvent parfois amener l’employeur à procéder au licenciement du salarié.

Dans cette circonstance, le salarié peut décider de contester cette mesure tout en maintenant sa demande initiale de résiliation. En conséquence, les juges devront se prononcer :

  • premièrement : sur la demande relative à la résiliation judiciaire ;

  • deuxièmement, si la demande de résiliation se révèle infondée : sur la régularité du licenciement.

Cette situation peut alors déboucher sur un cas de figure original lorsque :

  • la demande de résiliation est rejetée ;

  • mais que la nullité du licenciement est prononcée.

Pour rappel, le salarié dont le licenciement est annulé dispose d’un droit à réintégration. Or, les juges peuvent-ils ordonner son retour dans l’entreprise alors même que ce dernier les avait préalablement saisi pour mettre fin à sa relation de travail ? Retour sur les nouvelles précisions de la Cour de cassation.

Licenciement nul : la réintégration du salarié dépend du maintien de sa demande de résiliation

En l’espèce, un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en juin 2016. Quelques mois plus tard, celui-ci est déclaré inapte par le médecin du travail puis licencié en mars 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le salarié joint alors à sa première demande de résiliation une seconde demande tenant à la nullité de son licenciement et à sa réintégration. L’affaire prend toutefois une tournure singulière lorsque celui-ci décide d’abandonner sa demande initiale dans ses ultimes conclusions d’appel.

La cour d’appel constate la nullité du licenciement. Pour autant, les juges refusent de prononcer la réintégration du salarié. Prenant appui sur une jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, ces derniers considèrent que la poursuite du contrat de travail ne pouvait être ordonnée puisque :

  • le salarié avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat jusqu’à un stade avancé de la procédure ;

  • et que l’employeur l’avait licencié en cours de procédure.

En d’autres termes, en dépit de ce rétropédalage de dernière minute, les parties avaient manifesté leur volonté définitive de mettre un terme à leur relation de travail. Le salarié était donc privé de son droit à réintégration.

Bon à savoir

La Cour de cassation avait jugé dans un précédent arrêt qu’une réintégration ne pouvait être accordée lorsque le salarié, ayant obtenu la nullité de son licenciement, avait malgré tout maintenu sa demande préalable de résiliation.

Néanmoins, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et explicite, par la même, son analyse.

Contrairement à cette précédente affaire, les juges indiquent que le salarié a présentement abandonné sa demande de résiliation judiciaire. Dès lors, qu’importe la phase de l’instance, cette décision remettait en cause la volonté de celui-ci de quitter l’entreprise. Ayant recouvré son droit à réintégration, sa demande devait être, par conséquent, examinée.

L’affaire est donc renvoyée devant la cour d’appel.

Rappel

La réintégration du salarié peut être rejetée uniquement si celle-ci s’avère matériellement impossible. Or, cette impossibilité reste toujours très difficile à caractériser pour l’employeur.

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Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2023, n° 21-23.148 (lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d'une même instance, puis abandonne en cours d'instance la demande de résiliation judiciaire, le juge, qui constate la nullité du licenciement, doit examiner la demande de réintégration)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot