Liberté d’expression du salarié : seul l’abus de droit peut justifier un licenciement

Publié le 22/06/2023 à 13:30, modifié le 18/07/2023 à 11:43 dans Licenciement.

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L'exercice de la liberté d'expression ne peut, sous peine de nullité, justifier le licenciement d’un salarié. Cette protection, certes fondamentale, n’est cependant pas absolue. Ainsi, comme vient de le rappeler la Cour de cassation, celle-ci doit céder lorsque le salarié en use abusivement.

Liberté d’expression du salarié : rappels

Un salarié doit pouvoir exercer pleinement sa liberté d’expression dans l’entreprise.

A ce titre, il ne peut être licencié pour avoir exprimé sa pensée, qu’importe la teneur, qu’importe le support. Un licenciement motivé, totalement ou partiellement, sur ce fondement sera frappé de nullité.

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Cette liberté d’expression peut être toutefois encadrée par des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (ex : obligation de neutralité au sein du règlement intérieur).

Pour autant, cette protection contre le licenciement n’est pas sans limite. Elle suppose en effet que l’exercice de la liberté d’expression ne dégénère pas en abus. Ainsi, vous recouvrez votre droit au licenciement dès lors que votre salarié tient des propos :

  • injurieux ;

  • diffamatoires ;

  • ou excessifs.

En cas de litige, il revient au juge de déterminer si, selon les faits de l’espèce, les termes employés par le salarié :

  • constituent un abus de droit ;

  • et justifient, par extension, son licenciement.

Comme l’illustre cette récente décision de la Cour de cassation, les fonctions du salarié, les destinataires de ses propos ainsi que ses antécédents disciplinaires peuvent soumettre ce dernier à un seuil de tolérance plus limité.

Liberté d’expression du salarié : nouvelle illustration de l’abus de droit

En l’espèce, une entreprise procède au licenciement d’un salarié, statut cadre, exerçant les fonctions de consultant senior. Et pour cause, il est reproché à ce dernier d’avoir tenu des propos excessifs à l’encontre de son supérieur hiérarchique et de ses collègues.

Certains d’entres eux sont notamment relatés par la décision :

  • « J'aimerais que tes réponses soient en correspondance avec ton poste de manager et je ne veux plus de ce type de réponse bidon » (à destination de son supérieur hiérarchique) ;

  • « heureusement que d'autres commerciaux sont plus aguerris et réactifs » (à destination d’un collègue) ;

  • « Encore une fois elle ne prévient personne ni le client ni le consultant ; si elle ne fait pas d'effort je t'invite à trouver un nouveau consultant pour ce compte. J'ai déjà eu des accrochages avec elle sur le fait qu'elle ne dise rien au consultant sur site. N'hésites pas à en parler à son responsable le cas échéant car elle n'a pas retenu la leçon » (concernant une autre consultante).

Considérant que ses propos n’étaient pas abusifs, le salarié conteste son licenciement.

Débouté en appel, il forme un pourvoi en cassation. Cependant, la solution retenue par les juges du fond est confirmée par la Haute juridiction.

Pour la Cour de cassation, l’abus était effectivement caractérisé en raison de la teneur des propos et du contexte dans lequel ils ont été rapportés. En effet, les juges rappellent que le salarié avait déjà fait l'objet d'un avertissement sanctionnant son comportement et son mode de communication avec ses collègues. Son employeur l’avait, en outre, incité à adopter une attitude plus constructive.

Partant de ces constations, son licenciement pouvait être mis en œuvre.

Pour en savoir davantage sur la liberté d’expression en entreprise, les Editions Tissot vous proposent leur documentation « Gérer le personnel ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 14 juin 2023, n° 21-21.678 (de ces constatations et énonciations, dont il résultait l'existence de propos excessifs, la cour d'appel a exactement déduit un abus du salarié dans l'exercice de la liberté d'expression)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot