Egalité professionnelle BTP : un index 2024 inférieur à la moyenne nationale et des propositions d’amélioration

Publié le 12/03/2024 à 14:27 dans Rémunération BTP.

Temps de lecture : 7 min

Le ministère du Travail a dévoilé les résultats 2024 de l’index égalité professionnelle. Pour le secteur de la Construction, l’index moyen ne progresse pas et reste toujours inférieur à la moyenne nationale. Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes a présenté un bilan de l’index et a fait des propositions d’amélioration de l’outil visant notamment à conditionner l’accès aux marchés publics des entreprises à un index satisfaisant.

Les résultats 2024 de l’index égalité et des écarts de représentation

Au 1er mars, toutes les entreprises d’au moins 50 salariés doivent avoir publié leur index égalité professionnelle.

Depuis sa mise en place, le ministère du Travail souligne que les résultats de l’index sont en constante progression.

Ainsi, au 1er mars 2024, 77 % des entreprises concernées ont publié leur note. Elles étaient 72 % en 2023 et 61 % en 2022. On peut penser que ce chiffre va continuer de progresser. En effet, certaines entreprises publient leur index après la date d'échéance. Ainsi, fin 2023, 86 % des entreprises avaient publié leur note, soit + 14 points par rapport au résultat communiqué début mars en 2023.

La note moyenne des entreprises se maintient au niveau de l’année dernière, soit 88/100 et plus précisément :

  • 90,4 pour les entreprises de 1000 salariés et plus ;
  • 88,5 pour les entreprises de 251 à 999 ;
  • 87,9 pour les entreprises de 50 salariés à 250.

Mais l’index moyen pour le secteur de la Construction est inférieur à la moyenne nationale avec une note de 82, soit la même note qu’en 2023.

Comme l’année dernière, seules 2 % des entreprises ont une note de 100.

77 entreprises ont une note inférieure à 75 depuis 4 ans.

A l’indicateur relatif aux augmentations des femmes au retour de congé maternité, 6 % des entreprises ont la note de 0. Ce qui représente 1516 entreprises. Elles étaient 11 % en 2022.

93 % des entreprises (dont la note est calculable) ont une note égale ou supérieure à 75/100.

Notez que beaucoup d’entreprises ne font pas leur index car il est incalculable. Ce qui est le cas dans le BTP. Il faut savoir que l’indicateur sur l’écart de rémunération représente 40 points et ne se calcule pas toujours. En effet, il faut des groupes d’au moins 3 hommes et 3 femmes et arriver à un effectif retenu au moins égal à 40 % de l’effectif devant être pris en compte pour le calcul de l’ensemble des indicateurs.

Il existe deux pénalités différentes si vous manquez à vos obligations :

  • si vous n’avez pas publié les informations relatives aux écarts de rémunération ou pas défini de mesures de correction, l’inspection du travail peut vous mettre en demeure de le faire dans un délai minimum d’un mois au risque d’une pénalité. Depuis 2019, 857 mises en demeure ont été prononcées pour absence de publication de l’index ou de définition de mesures de correction ;
  • si vos résultats sont insuffisants et que vous n’avez pas agi dans un délai de 3 ans. Une vingtaine de pénalités a ainsi été prononcée pour les entreprises de plus de 250 salariés ayant publié un index inférieur à 75 points pour la quatrième année consécutive.

Concernant l’obligation des entreprises d’au moins 1000 salariés de publier les écarts de représentation entre les femmes et les hommes, 58 % des entreprises concernées ont déclaré leurs résultats (elles étaient 49 % en 2023) :

  • 57 % des entreprises comptent moins de 30 % de femmes parmi leurs cadres dirigeants. Elles étaient 60 % en 2023 ;
  • 38 % ont moins de 30 % de femmes dans les instances dirigeantes. Elles étaient 44 % en 2023.

Bilan du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes sur les 5 dernières années

Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes dresse un bilan de l’index égalité professionnelle. Cet outil a permis des avancées en matière d’égalité mais il subsiste de nombreuses limites :

  • 1 % des entreprises sont assujetties à l’index. Ce qui représente un quart des salariés ;
  • omission du facteur « temps partiel » et mise à l’écart des éléments de rémunérations variables ;
  • une note supérieure à 75/100 laisse penser que le problème des inégalités salariales est résolu, alors que les écarts subsistent et donc que l’entreprise peut être condamnée ;
  • l’index se limite au principe d’égalité de rémunération à poste équivalent. Cela n’intègre pas la sous-valorisation systématique des métiers féminisés.

Le Haut Conseil à l’Egalité propose des axes d’amélioration, notamment :

  • augmenter le degré d’exigence en matière de résultats en conditionnant l’accès aux marchés publics à un résultat d’index satisfaisant. Ce principe d’éga-conditionnalité est également retenu dans le plan égalité du Gouvernement dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale de mai 2023 ;
  • introduire de nouveaux indicateurs sur le temps partiel et les bas salaires ;
  • remplacer l’indicateur sur les écarts de rémunération par 7 sous-indicateurs (transposition de la directive européenne) ;
  • confier l’automatisation du calcul de l’index aux pouvoirs publics accessible aux entreprises par un logiciel gratuit en ligne à partir de la DSN ;
  • harmoniser les indicateurs entre la BDESE et l’index.

Point sur l’application du plan Egalité entre les femmes et les hommes (2023-2027)

Le 8 mars 2023, Elisabeth Borne avait présenté un plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027).

Ce plan présente plus de 160 mesures qui sont regroupées en 4 axes :

  • lutte contre les violences faites aux femmes ;
  • santé des femmes ;
  • égalité professionnelle et économique ;
  • culture de l’égalité.

Pour renforcer l’égalité économique et professionnelle, ce plan prévoit notamment :

  • d’autoriser l’accès aux marchés publics aux seules entreprises respectant les obligations en matière de publication de l’index égalité professionnelle ou ayant obtenu une note suffisante (principe d’éga-conditionnalité) ;
  • d’améliorer les congés maternité et paternité, notamment en diminuant de 10 mois à 6 mois, la durée d’affiliation. Cette mesure s’applique depuis le 20 août 2023 ;
  • d’engager un travail avec les éditeurs de logiciels de paie pour intégrer une règle permettant d’inclure automatiquement – lorsqu’elle doit être versée - la revalorisation de la rémunération des femmes à leur retour de congé maternité ;
  • faire un rappel nominatif aux entreprises ayant obtenu 0 à l'un des indicateurs de l'index plus de deux années de suite et publier leur nom sur le site de consultation Index Egapro.

Au Conseil des ministres du 6 mars, Aurore Bergé, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, a fait une communication sur l’application du plan Egalité 2023-2027 entre les femmes et les hommes.

Le Gouvernement s’engage à réformer et à renforcer l’index dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale de mai 2023. La transposition est prévue courant 2025 selon l’annonce faite par Elisabeth Borne lors de la conférence sociale du 11 octobre 2023. Pour rappel, sa transposition doit intervenir, au plus tard, le 7 juin 2026.

Même si l’index est en progression constante depuis sa mise en œuvre, la ministre note que les femmes continuent d’avoir des revenus 24 % inférieurs à ceux des hommes. Afin de garantir l’émancipation des femmes et de lutter contre les inégalités professionnelles, le Gouvernement lance un travail d’expertise permettant de définir les écarts de salaire dès la première embauche. Il se mobilise également pour que soit respectée l’organisation de l’entretien de retour de congé maternité et la revalorisation de leur rémunération.


Ministère du Travail, résultats 2024 de l’Index égalité professionnelle et de la représentation équilibrée, 8 mars 2024
Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Salaires : 5 ans après l’Index toujours pas d’égalité : des propositions pour améliorer l’outil, 7 mars 2024
Compte rendu du Conseil des ministres du 6 mars 2024, communication égalité entre les femmes et les hommes
Directive n° 2023/970 visant à renforcer l’application du principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, JOUE du 17 mai 2023.

Isabelle Vénuat

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot