La progression de la lutte contre les discriminations

Publié le 08/02/2023 à 07:12 dans Sécurité et santé au travail.

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Le thème de la discrimination connait une forte actualité. En effet, le Gouvernement vient de présenter un Plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine. Sur le plan judiciaire, la Cour de cassation a admis dernièrement la recevabilité des statistiques afin de laisser supposer l'existence d'une discrimination.

Généraliser le recours au testing

Pour lutter contre les discriminations survenant au moment de l’embauche ou au cours de la carrière du salarié, le Gouvernement souhaite systématiser les opérations de testing.

Il appartiendrait alors aux partenaires concernés (organisations syndicales et patronales, associations) de définir les modalités de ce recours renforcé.

Dans le cadre d’un recrutement, le testing consiste à présenter à un recruteur deux profils identiques. La seule différence entre ces deux CV repose sur l’existence d’un critère susceptible de faire naître une discrimination, en l’occurrence l’origine. Ainsi, en cas de traitement différencié des candidatures, il sera possible de présumer une discrimination fondée sur ce critère.

Améliorer la protection et l’accompagnement des salariés et des entreprises

Le Plan fixe deux mesures visant à :

  • renforcer une culture collective de la vigilance ;
  • aider les représentants du personnel et des employeurs à objectiver l’existence d’une discrimination.

D’une part, il prévoit la création d’une amende civile qualifiée de dissuasive. Dès lors, cette nouvelle amende pourrait être prononcée conjointement à l’indemnisation ou à la réintégration du salarié ou du candidat victime d’une discrimination.

D’autre part, il entend rendre les actions de groupe, intentées par les organisations syndicales ou par les associations, plus opérationnelles.

Ces mesures représentent actuellement de simples déclarations d’intention. Dorénavant, reste à déterminer les formes de leur concrétisation.

La présentation de ce Plan témoigne de la persistance des faits discriminatoires et de la nécessité de les combattre. Par un arrêt du 14 décembre 2022, la Cour de cassation a corroboré ce même constat.

La preuve de la discrimination par les statistiques

Rappel

Au civil, le salarié s’estimant victime d’une discrimination doit présenter des éléments de fait laissant présumer l'existence d’une discrimination. C’est ensuite à l’employeur de démontrer que la décision contestée est, au contraire, justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dans cette affaire, un ancien salarié intérimaire s’estimait victime d’une discrimination à l’embauche en raison de son nom et plus largement de son origine.

Au soutien de sa prétention, il produisait une analyse statistique des embauches effectuées par la société en fonction du patronyme « européen » ou « extra-européen » des salariés. Cette analyse se basait alors sur le registre du personnel ainsi que sur l'organigramme de l'entreprise. Différentes données en étaient ressorties. Par exemple :

  • parmi les salariés à patronyme « européen » recrutés sous contrat à durée déterminée intérimaire, 18,07% s'étaient vus accorder un CDI contre 6,9% pour les salariés à patronyme « extra-européen » ;
  • 80,93% des salariés à patronyme « européen » étaient en CDI contre 21,43% des salariés à patronyme « extra-européen ».

Contrairement à ce que prétendait l’employeur, la Cour de cassation a admis le caractère probant des éléments issus de cette analyse statistique. Ils rejoignent ainsi la liste des éléments qui peuvent laisser supposer l'existence d'une discrimination.

Les juges se sont ensuite prononcés sur les justifications de l'employeur. Or, à l’exception de quatre noms sur vingt-deux, l’employeur n’a pas réussi à réfuter l’analyse de l’ex-salarié. C’est donc tout logiquement que la Cour de cassation a considéré que ce dernier ne justifiait pas d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour avoir davantage d’exemples de situations discriminatoires vous pouvez télécharger notre dossier :

Plan national contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, Dossier de presse du 30 janvier 2023
Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2022, n° 21-19.628 (les éléments issus d’analyses statistiques peuvent laisser supposer l’existence d’une discrimination à l'embauche)
Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2022-139

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot