Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 : les mesures qui touchent au droit du travail
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Le projet de loi sur l’orientation et programmation du ministère de la Justice 2023-2027 qui sera en discussion devant le Sénat à compter du 6 juin prévoit plusieurs dispositions qui intéressent le droit du travail notamment l’allègement de la procédure de saisie sur salaire, le renforcement de la responsabilité de conseiller prud’hommes.
Assouplissement des conditions de candidature des conseillers prud’hommes (art. 8)
Le projet de loi prévoit d’assouplir les conditions de candidature aux fonctions de conseiller prud’homme de certains salariés. L’objectif est de réduire les vacances de siège et d’élargir le vivier de candidatures.
Aujourd’hui, les salariés et les employeurs (à l’exception des employés de maison et leur employeur) qui veulent candidater aux fonctions de conseiller prud’homme peuvent l’être :
dans la section du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel ils exercent leur activité principale ;
ou dans la section de même nature de l’un des conseils de prud’hommes limitrophes.
Les VRP peuvent, en outre, candidater dans le conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé leur domicile. Mais des salariés, sans être VRP, exercent leur activité en dehors de tout établissement. Le projet de loi prévoit d’étendre le ressort de candidature au conseil de prud’hommes limitrophes et au conseil de prud’hommes du domicile, pour les salariés qui exercent à domicile ou en dehors de toute entreprise, afin qu’ils puissent être candidats.
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Les personnes en recherche d’un emploi et les retraités peuvent candidater dans la section du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel elles exerçaient leur dernière activité professionnelle ou dans l’un des conseils de prud’hommes limitrophes ou dans le ressort duquel est situé leur domicile.
Renforcement de la responsabilité des conseillers prud’hommes (art. 8)
Aujourd’hui, si le conseiller prud’homme manque à ses devoirs dans l’exercice de ses fonctions, cela peut constituer une faute disciplinaire (Code du travail, art. L. 1442-13).
Les sanctions disciplinaires applicables aux conseillers prud'hommes sont :
le blâme ;
la suspension pour une durée ne pouvant excéder six mois ;
la déchéance assortie d'une interdiction d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme pour une durée maximale de dix ans ;
la déchéance assortie d'une interdiction définitive d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme.
Mais aujourd’hui, aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée à l’encontre d’un conseiller prud’homale dès lors qu’il a cessé d’exercer ses fonctions prud’homales.
Afin d’éviter cette situation d’impunité notamment celle où le conseiller démissionne afin d’échapper à toute sanction disciplinaire, le projet de loi prévoit que la cessation des fonctions ne puisse plus être un obstacle à l’engagement de poursuites et au prononcé de sanctions disciplinaires. Il précise les sanctions disciplinaires qui seraient applicables dans une telle situation :
- l’interdiction d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme pour une durée maximale de 10 ans ;
- l’interdiction définitive d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme.
Délai imposé aux assesseurs des pôles sociaux pour réaliser l’obligation de formation initiale des (art. 10)
Les assesseurs des pôles sociaux exercent leurs fonctions au sein de la formation collégiale du tribunal judiciaire qui est compétente notamment pour connaître du contentieux qui relevait des tribunaux des affaires de Sécurité sociale (TASS), des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI). Les assesseurs sociaux sont désignés à partir d’une liste dressée par l’autorité administrative sur proposition des organisations professionnelles.
Sous certaines conditions, ils sont soumis à une obligation de formation initiale préalable à l’exercice de leurs fonctions. Mais la loi n’impose aucun délai pour suivre cette formation.
Ainsi, au 11 janvier 2023, le Gouvernement constatait que sur 1521 assesseurs en formations, 1034 avaient validé leur parcours de e-formation. 68 % de la promotion avait validé la formation initiale. Des assesseurs occupent donc des sièges sans pouvoir exercer leurs fonctions n’ayant pas suivi ou terminé leur formation. Ce qui a pour conséquence de réduire les effectifs mobilisables par le pôle social puisqu’un assesseur ne peut être remplacé si le siège n’est pas déclaré vacant. Aujourd’hui, les moyens des pôles sociaux pour imposer la formation aux assesseurs sont limités :
soit ils initient une procédure disciplinaire à l’encontre de l’assesseur qui n’a pas exécuté sa formation ;
soit ils invitent l’assesseur à démissionner.
Le projet de loi prévoit que si l’assesseur n’a pas suivi sa formation initiale dans un délai fixé par décret, il serait réputé démissionnaire.
Déjudiciarisation de la procédure de saisie sur salaire (art. 17)
Aujourd’hui, la procédure de saisie sur salaire est longue et lourde à mettre en œuvre. Le Gouvernement estime qu’une procédure peut durer plusieurs années selon le montant de la créance et le montant des revenus du débiteur. Ce qui peut dissuader certains créanciers.
En effet, le créancier doit être muni d’un titre exécutoire (décision de justice, par exemple) constatant une créance liquide et exigible (Code du travail, art. R. 3252-1). La procédure de saisie doit aussi être précédée, à peine de nullité, d'une tentative de conciliation menée par le juge de l'exécution. Et si les parties ne parviennent pas à se concilier, un procès-verbal de non-conciliation est dressé et la saisie est autorisée (Code du travail, art. R. 3252-19). Ensuite, le greffier notifie la décision à l’employeur. La saisie peut être contestée à tout moment.
Selon les chiffres du Gouvernement, les procédures de saisie sur salaire représentaient, en 2019, 124 513 requêtes, auxquelles il ajoute les requêtes en intervention de créanciers tiers, les contestations, etc.
Le projet de loi prévoit d’alléger la procédure et de confier, aux commissaires de justice, la mise en œuvre de la saisie des rémunérations sans intervention judiciaire préalable.
La saisie serait pratiquée après la délivrance au débiteur d'un commandement de payer qui serait assorti d’un droit de recours suspensif (1 mois) qui permettrait au débiteur :
- de contester la validité de la mesure devant le juge ;
- ou de conclure un accord sur les modalités de paiement avec le créancier. L’accord suspendrait la saisie mais pourrait reprendre notamment en cas de non-respect de l’accord par le débiteur.
La saisie s'opèrerait par la délivrance d'un procès-verbal de saisie des rémunérations par le commissaire de justice à l'employeur du débiteur dans les 3 mois suivant la délivrance du commandement. A défaut, le commandement serait caduc.
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Le salarié débiteur pourrait, à tout moment, saisir le juge de l’exécution d’une contestation de la mesure. Mais celle-ci ne suspendrait pas la procédure de saisie, sauf si elle était formée dans le mois suivant la signification du commandement (délai d’un mois suspensif).
La procédure est ensuite organisée par le commissaire de justice répartiteur. Il serait chargé de recevoir le paiement de l’employeur (tiers saisi). Un registre numérique des saisies des rémunérations recenserait les mesures en cours afin de permettre notamment aux créanciers d'intervenir à la répartition des sommes saisies, ou susceptibles de l'être en cas d'accord de règlement.
Un décret définirait les modalités d’application ainsi que, le cas échéant, les mesures visant à préserver et concilier les intérêts des débiteurs, des créanciers et des commissaires de justice (plafonnement du nombre d’actes d’exécution, montant des frais des commissaires de justice mis à la charge des débiteurs, étalement de ces frais).
La nouvelle procédure entrerait en vigueur à des dates fixées par décret, et au plus tard le 1er juillet 2025.
Lors de la présentation de son projet de loi, le Gouvernement a précisé que l’objectif de cette loi est : une justice plus rapide, une justice plus claire, une justice moderne. Il a engagé une procédure accélérée pour cette loi. Le début des discussions est prévu le 6 juin 2023 devant le Sénat.
Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
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