Licenciement pour inaptitude professionnelle : le respect de l’obligation de reclassement suspend-il le versement de l’indemnité spécifique ?
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L’origine professionnelle de l’inaptitude du salarié licencié emporte le versement d’indemnités particulières. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues si le salarié décline une offre de reclassement de manière abusive. Peu importe la position de l’employeur à l’égard de son obligation de reclassement.
Licenciement pour inaptitude professionnelle : une indemnisation spécifique mais conditionnée
Un salarié dont l’inaptitude résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut être licencié. Pour cela, vous devez justifier :
- soit de votre impossibilité à lui proposer une offre de reclassement ;
- soit du refus par ce dernier de votre offre de reclassement ;
- soit d’une dispense de reclassement expressément accordée par le médecin du travail.
Notez le
Votre obligation de reclassement est réputée satisfaite dès lors que vous proposez loyalement à votre salarié un autre emploi :
- approprié à ses capacités et disponible ;
- prenant en compte, après avis du CSE, des conclusions et indications écrites du médecin du travail ;
- au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient ;
- aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures (mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes ou aménagement du temps de travail).
Le caractère professionnel de l’inaptitude du salarié licencié active le versement d’indemnités spécifiques, et ce, quelle que soit son ancienneté.
Celles-ci prennent la double forme :
- d’une indemnité compensatrice : dont le montant est égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis ;
- d’une indemnité spéciale de licenciement : dont le montant est égal au double de l’indemnité légale de licenciement sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
Notez le
Dans le BTP, le salarié ne peut pas prétendre au double de l’indemnité conventionnelle de licenciement mais seulement au double de l’indemnité légale.
Pour autant, ces conditions d’indemnisation évoluent si le salarié inapte décline une offre de reclassement de manière abusive. Dans ce cas, il n’aura droit qu’au seul versement de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
La Cour de cassation a récemment eu l’opportunité de chasser une confusion relative aux conditions d’octroi de ces indemnités spécifiques.
Le manquement à l’obligation de reclassement : sans influence sur le droit à une indemnisation spécifique
En l’espèce, un salarié, alors employé du bâtiment, est victime d’un accident du travail. A l’issue de deux examens médicaux, il est déclaré inapte à son poste. Quelques mois plus tard, il est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le litige se noue alors autour de l’indemnisation de son licenciement. Et pour cause, l’employeur refuse de lui verser une indemnité compensatrice ainsi qu’une indemnité spéciale de licenciement.
Le salarié est débouté par les juges d’appel. Selon ces derniers, seul le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement justifie le versement de ces indemnités. Ce qui, en l’occurrence, n’était pas le cas. Le salarié était donc privé à juste titre de cette indemnisation.
Il s’agit là d’une erreur d’analyse pour la Cour de cassation car celle-ci revient à ajouter une condition imprévue par la loi. En l’occurrence, rien ne privait le salarié du droit à ces indemnités puisque :
- son inaptitude était d’origine professionnelle ;
- son licenciement était justifié par l’impossibilité de le reclasser ;
- un refus abusif à une proposition de reclassement n’était pas rapporté.
Cette solution permet ainsi de rappeler que le respect de l’obligation de reclassement vous autorise, certes, à procéder au licenciement d’un salarié inapte.
Mais elle corrige surtout une présomption inexacte en rappelant qu’il existe une nuance notable entre le refus abusif du reclassement proposé et le respect de l’obligation de reclassement. En effet, le caractère abusif du refus opposé par le salarié ne peut être déduit du simple fait que vous ayez satisfait à votre obligation de reclassement.
Pour en savoir davantage sur l'inaptitude et le reclassement du salarié, les Editions Tissot vous suggèrent leur documentation « Social Bâtiment ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 12 avril 2023, n° 21-23.295 (en retenant que le paiement d'une indemnité d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité de licenciement n’était dû qu'en cas de manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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