Forfait jours : assurer un suivi effectif et régulier afin de réagir rapidement pour que la charge de travail reste raisonnable

Publié le 10/01/2025 à 16:08 dans Temps de travail.

Temps de lecture : 4 min

L’accord collectif relatif au forfait jours doit obligatoirement déterminer les modalités du suivi régulier de la charge de travail du salarié. A défaut, la convention de forfait peut être jugée nulle.

Forfait jours : le contenu de l’accord collectif instituant le forfait jours

Les forfaits jours sont mis en place par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche (convention collective).

A cette fin, l’accord collectif détermine impérativement :

  • les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;
  • la période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ;
  • le nombre de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours ;
  • les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
  • les caractéristiques principales des conventions individuelles, notamment le nombre de jours compris dans le forfait.

Afin d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié en forfait jours, l’accord doit également prévoir :

  • les modalités selon lesquelles vous assurez l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
  • les modalités selon lesquelles vous et votre salarié communiquez périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;

les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion (Code du travail, art. L. 3121-64).

Forfait jours : l’employeur doit assurer un suivi effectif et régulier afin de réagir rapidement pour assurer la protection du salarié

L’accord collectif doit absolument prévoir les modalités du suivi régulier de la charge de travail. A défaut, l’employeur n’est pas censé pouvoir garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition du travail du salarié dans le temps.

En effet, sans ce suivi effectif et régulier, comment l’employeur peut savoir si le salarié a une charge de travail incompatible avec une durée raisonnable de travail ? 

Il lui sera difficile de réagir rapidement et de prendre les mesures afin d’améliorer la répartition du travail du salarié concerné et ainsi assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.

Dans une décision du 18 décembre 2024, la Cour de cassation a rappelé que l’accord collectif doit assurer la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

Dans cette affaire, l’accord collectif prévoyait que

  •  les salariés déterminaient leur propre durée du travail. Ils pouvaient la faire varier en fonction de leur charge de travail, entre 5 heures et plus. L’accord précisait que leur temps de travail devait être limité par référence aux dispositions légales relatives au temps de repos quotidien et au repos hebdomadaire ;
  • en cas de dépassements répétés pour des raisons conjoncturelles, il revenait aux chefs d’établissement d’examiner avec le salarié concerné les solutions pour y remédier dans les plus brefs délais.
  • en cas de dépassements pour des raisons structurelles, une réunion devait être organisée avec le vice-président des ressources humaines afin de trouver des solutions pour revenir à une durée raisonnable de travail. 

Mais il faut savoir que cet accord n’avait pas institué un suivi effectif et régulier, suivi qui aurait pu permettre à l'employeur d’être alerté rapidement en cas d'une charge de travail incompatible avec une durée raisonnable.

Pour la Cour de cassation, cet accord n’était donc pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables. Il ne permettait pas d'établir une bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés. 

Cet accord n'assurant pas la protection de la sécurité et de la santé du salarié, et l’employeur n’ayant pas sécurisé le dispositif, la convention de forfait jours du salarié est nulle. 

Bon à savoir

Les conventions individuelles de forfait en jours conclues sur le fondement d’un accord collectif défaillant ne sont pas systématiquement nulles. En effet, en tant qu’employeur, la loi vous permet de sécuriser les forfaits jours en mettant en place un suivi effectif et régulier de la charge de travail (Code du travail, art. L. 3121-65).

Vous souhaitez en savoir plus sur la mise en place, le suivi et l’application des forfaits jours ? Nous vous proposons notre documentation « Gérer le personnel ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 18 décembre 2024, n° 23-11.306 (afin de garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié en forfait jours restent raisonnables, l’employeur doit instituer un suivi effectif et régulier afin de remédier en temps utile à une situation incompatible avec une durée de travail raisonnable)

Isabelle Vénuat

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot