Contrat de travail : doit-il reprendre la rémunération prévue dans une lettre d’intention ?
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Vous disposez d’une grande liberté quant au contenu des contrats de travail que vous concluez avec vos salariés. Vous pouvez notamment fixer assez librement la rémunération. Mais qu’en est-il si vous avez adressé une lettre d’intention à votre salarié avant son embauche ? La Cour de cassation vient d’exprimer sa position sur le droit à une prime prévue par lettre d’intention mais non reprise dans le contrat de travail.
Contrat de travail : le principe de liberté contractuelle
La conclusion d’un contrat repose sur un principe de libertés : liberté de conclure un contrat, de choisir son cocontractant et le contenu du contrat (Code civil, art. 1102). Ce principe s’applique également en droit du travail. Vous êtes ainsi libre de conclure un contrat de travail, de fixer les conditions de son exécution et de choisir la personne que vous souhaitez embaucher.
Attention
Il existe toutefois certaines limites à cette liberté, qui tiennent notamment aux droits fondamentaux (par ex. l’interdiction de discrimination).
Vous pouvez ainsi librement déterminer la rémunération de vos salariés lors de leur embauche. Sous réserve toutefois de respecter les minima légaux et conventionnels applicables. La rémunération peut comporter :
- une partie fixe, versée dès lors que les salariés accomplissent une prestation de travail ;
- une partie variable, qui dépend du niveau de performance individuelle ou collective réalisé. Celui-ci est évalué sur la base de critères qui doivent être :
- objectifs. Il est possible de vérifier s’ils sont remplis ou non,
- réalisables. Ils tiennent compte des compétences du salarié, des moyens qui lui sont accordés, de la situation économique du secteur d’activité, etc.,
- et indépendants de votre volonté. Une partie du salaire peut ainsi être lié au chiffre d’affaires réalisé par votre entreprise.
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Pouvez-vous toutefois conclure un contrat de travail qui prévoit une rémunération différente de celle mentionnée avant l’embauche dans une lettre d’intention ? Ou le contrat de travail doit-il impérativement concorder avec le contenu de cette lettre d’intention ? La Cour de cassation a répondu récemment à cette interrogation.
Contrat de travail : la rémunération fixée peut différer de celle convenue dans une lettre d’intention
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, une société avait racheté une entreprise unipersonnelle et avait embauché son dirigeant en CDI. Une lettre d’intention avait été signée en amont entre les parties. Elle envisageait le versement de primes annuelles calculées sur le chiffre d'affaires réalisé. Mais celles-ci n’avaient pas été reprises dans le contrat de travail conclu ultérieurement.
Le salarié avait démissionné quelques années plus tard, puis avait sollicité le paiement d'un complément de primes annuelles. La cour d’appel avait fait droit à sa demande.
Elle avait considéré que le salarié avait été embauché en exécution de la lettre d’intention. Et qu’elle était donc opposable à la société, qui devait ainsi verser les primes annuelles au salarié. Et ce, même si cet engagement n’avait pas été repris dans le contrat de travail du salarié.
Elle soulignait également que la société avait versé une prime au salarié lors de son solde de tout compte, calculée sur le chiffre d'affaires. Elle considérait que cela valait reconnaissance par la société de son obligation de verser une prime annuelle au salarié. Bien que le montant de la prime versée soit erroné.
La société a contesté cette décision. Elle considérait que les stipulations du contrat de travail priment sur tout document précontractuel. Et que le paiement d’une prime ne peut valoir reconnaissance par l’employeur de son caractère obligatoire. Car l’employeur a la faculté de verser au salarié des gratifications bénévoles en plus des éléments de salaire obligatoires.
La Cour de cassation a donné raison à la société car les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (Code civil, anc. art. 1134 recodifié à l’art. 1103). Or, les parties avaient signé un contrat de travail qui ne reprenait pas l'engagement contenu dans la lettre d'intention de payer une prime annuelle fonction du chiffre d'affaires. Et l’employeur n’avait pris aucun engagement unilatéral en ce sens. La prime n’était donc pas due.
Attention
Cette affaire a été rendue à propos d’une lettre d’intention, utilisée dans le cadre d’opérations économiques (par ex. rachat d’entreprises, cession de fonds de commerce), qui n’a par principe aucune valeur contractuelle.
La valeur d’une proposition d’embauche en droit du travail dépend de différents paramètres. Si elle ne précise pas les éléments essentiels du contrat (type de contrat, fonction, date d’embauche, rémunération, temps et lieu de travail, etc.), elle ne vous engage pas. Si elle les précise, sa valeur dépend de la fermeté de votre proposition. Si vous proposez à un candidat de l’embaucher et exprimez votre volonté d’être lié en cas d’acceptation, il s’agit d’une offre qui ne vous engage que si elle est acceptée. Si vous laissez à son bénéficiaire le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, il s’agit d’une promesse, qui vaut contrat et vous engage. Vous pouvez télécharger notre modèle de promesse de contrat ci-dessous.
Cour de cassation, chambre sociale, 13 avril 2022, n° 20-20.201 (les primes annuelles prévues dans une lettre d’intention ne sont pas dues au salarié dont le contrat de travail conclu ultérieurement ne reprend pas cet engagement. Sauf si l’employeur a pris l’engagement unilatéral de verser de telles primes au salarié)
Juriste en droit social
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