Jurisprudence commentée en santé sécurité au travail
Droit de retrait |
Définition
Droit de retrait :
Le droit de retrait signifie pour tout salarié le droit de se retirer d’une situation de travail dont il a des motifs raisonnables de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Le droit de retrait est une faculté et le salarié demeure libre d’en user ou non.
Code du travail L. 4131-1
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Jurisprudence
Droit de retrait : impossible de le faire jouer quand on est arrêté en maladie
Jurisprudence Droit de retrait :
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Cassation sociale, 9 octobre 2013, n° 12-22.288
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 9 octobre 2013 N° de pourvoi: 12-22288 Publié au bulletin Rejet
M. Lacabarats, président Mme Corbel, conseiller rapporteur M. Foerst, avocat général Me Balat, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2012), que Mme X...a été engagée par l'association Institut de la Méditerranée le 5 novembre 2001 en qualité de chargée d'études ; que se plaignant de harcèlement moral et sexuel de la part d'un conseiller technique du président de l'association, elle a, par lettre du 8 octobre 2007, déclaré user de son droit de retrait à compter du 5 octobre 2007 ; que le 6 octobre 2007, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie, lequel a été renouvelé sans interruption jusqu'au 3 septembre 2010 ; que le médecin du travail l'a alors déclarée inapte à tout poste de travail au sein de l'entreprise en visant un danger immédiat ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude par lettre du 28 septembre 2008 ; qu'auparavant, elle avait saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour harcèlement moral et sexuel et en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel et exécution fautive du contrat de travail par l'employeur, alors, selon le moyen, qu'il appartient seulement au salarié qui se prévaut d'un harcèlement moral ou sexuel d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que Mme X..., salariée, versait aux débats des éléments établissant que l'attitude de harcèlement moral et sexuel imputable à M. Y...était connue au sein de l'association, employeur, instaurant des « malaises latents » et des « bruits de couloir », et que plusieurs salariés témoignaient de cette situation en faisant état des tentatives déplacées de l'intéressé sur le personnel féminin, ainsi que de ses critiques humiliantes et dévalorisantes à l'endroit de ses collaborateurs ; que ces éléments étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral et sexuel imputable à M. Y..., à charge dès lors pour l'employeur de justifier son attitude ; qu'en rejetant la demande de Mme X...au titre d'un harcèlement moral et sexuel, au motif que les pièces versées aux débats par celle-ci n'établissaient pas « de façon formelle (¿) la réalité » du harcèlement allégué (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er), la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve de ce harcèlement et a ainsi violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la salariée ne faisait référence à aucun fait précis et que les attestations produites relataient soit des propos ou comportements du mis en cause qui ne concernaient pas directement la salariée, soit émanaient de personnes qui reprenaient des propos que la salariée leur avait tenus, la cour d'appel, sans méconnaître les règles de preuve applicables en la matière a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, constaté que la salariée n'établissait pas la matérialité de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel à son égard ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rappel de salaires et d'indemnité de congés payés afférents, alors, selon le moyen, qu'aucune retenue sur salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur s'étant retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa santé ; qu'en estimant que la demande de rappel de salaire présentée par Mme X...au titre de la période postérieure à l'exercice de son droit de retrait était infondée, au seul motif que l'intéressée avait bénéficié durant la période litigieuse des indemnités maladie complétées par les indemnités de la caisse de prévoyance Dexia et sans rechercher si Mme X...avait un motif raisonnable de penser que le maintien à son poste de travail présentait un danger grave et imminent pour sa santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4131-3 du code du travail ;
Mais attendu que le droit de retrait ne pouvant être exercé que pendant l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel, qui a constaté que le contrat de travail de la salariée était suspendu pour cause de maladie, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mlle Nathalie X...de sa demande tendant à la condamnation de l'association Institut de la Méditerranée à lui payer la somme de 41. 172 ¿ nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct subi en raison du harcèlement moral et sexuel dont elle a été victime et de l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur ;
AUX MOTIFS QUE manque à son obligation de résultat l'employeur dont un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercé par l'un de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ses agissements ; qu'il ressort des contrats versés aux débats par l'employeur que le professeur Y...n'était pas son salarié ; que, rémunéré par vacation, il était conseiller technique du président et président du conseil scientifique de l'Institut de la Méditerranée ; que depuis février 2010, il dépend de la structure Euromed et n'est plus conseiller du président Z... ; qu'il doit être considéré que, de par ses fonctions, il exerçait une autorité sur la salariée ; qu'en tout état de cause pour savoir si un quelconque reproche peut être fait à l'Institut de la Méditerranée, il convient de s'interroger sur la réalité du harcèlement moral et sexuel dont la salariée se dit avoir été victime ; que dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse au vu de ces éléments de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il convient d'observer que Nathalie X...ne fait quant à elle référence à aucun fait précis ; qu'il est constant qu'elle a informé son supérieur hiérarchique fin juin 2007 qu'elle se considérait victime de tels agissements de la part de Jean-Louis Y...; qu'elle produit des attestations ; qu'Angélique A...témoigne avoir été à plusieurs reprises choquée par les termes employés par Jean-Louis Y...pour parler des femmes avec lesquelles il travaillait, ces propos faisant systématiquement référence au physique ou à la critique, avoir reçu les confidences de Geneviève B..., selon lesquelles il aurait tenté de l'embrasser ; qu'elle ajoute que ce dernier convoquait souvent dans son bureau Nathalie X...ainsi que le directeur des études et leur hurlait dessus, les propos qu'elle rapports ne concernant cependant que Frédéric C...; que Jean-Louis Y...convoquait en outre souvent Nathalie X...dans son bureau porte close ; qu'elle l'a entendu à plusieurs reprises parler à Frédéric C...de la productivité et de la fiabilité insuffisante de Nathalie X...; qu'elle fait en outre état d'une altercation dont elle a été le témoin au mois de juillet 2007 entre Nathalie X...et Jean-Louis Y...qui lui reprochait de ne pas avoir indiqué qu'elle aimait la musique, ce qui pour lui était scandaleux et ce qui l'avait amené à se plaindre auprès de Frédéric C...de son manque de professionnalisme, de productivité et de fiabilité de Nathalie X...; que Pierre D...atteste que Nathalie X...a souvent évoqué avec lui ses problèmes de harcèlement avec Jean-Louis Y...; qu'Anne E...qui fait également état de propos rapportés de Nathalie X...concernant ses relations avec Jean-Louis Y..., déclare avoir pu constater personnellement les malaises latents puis de plus en plus envahissants que présentait Nathalie X...lorsqu'elle évoquait ses relations de travail avec Jean-Louis Y...; que selon Joël F...qui rapporte avoir en compagnie de Nathalie X...rencontré M. G...en août 2007, celui-ci qui a proposé à Nathalie X...d'user de son droit de retrait et, précisé que « le comportement de Jean-Louis Y...ne le surprenait pas et qu'il était informé de la situation par des bruits de couloirs » ; que Vincent H..., professeur d'économie à l'Université d'Etat de Californie, atteste avoir remarqué « l'aggravation des douleurs psychologiques chez Nathalie X...qui avait de plus en plus de mal à supporter les pressions à caractère sexuel et les critiques dévalorisantes et humiliantes de son directeur » ; qu'il n'a été cependant le témoin d'aucun fait ; que le docteur Thierry I..., le médecin traitant de Nathalie X..., atteste le 29 mai 2007 qu'elle rapporte être l'objet d'un harcèlement sur son lieu de travail et qu'ont été observés des troubles du sommeil, une anxiété envahissante, une sommation importante ; que Nathalie X...a été arrêtée le 3 septembre 2007 par son psychiatre pour « syndrome de stress émotionnel » ; que de son côté, l'employeur fait valoir que dès que Nathalie X...l'a alerté des difficultés qu'elle disait rencontrer avec Jean-Louis Y..., il lui a proposé de faire usage de son droit de retrait le temps de conduire les investigations nécessaires ; qu'il expose que Jean-Claude G..., son délégué général, a interrogé les deux collaborateurs les plus proches de la salariée, qu'aucun d'eux n'avait pu attester avoir été le témoin direct de faits de harcèlement moral et sexuel, Mlle A...faisant état de conversations qu'elle avait eues avec Mlle X...mais lui ayant confirmé n'avoir été témoin direct d'aucun fait relevant du harcèlement, M. C...lui ayant parlé d'une dégradation de ses relations professionnelles avec Nathalie X...dues à une baisse de qualité de son travail et à ses absences répétées qui perturbaient le fonctionnement du service ; que contrairement à ce qu'affirme Nathalie X..., les propos attribués à Angélique A...dans le cadre de cette enquête, ne sont en rien incompatibles avec les termes de son attestation ; que l'Institut de la Méditerranée indique en outre que Jean-Louis Y...a opposé le plus ferme démenti aux accusations de Nathalie X...; qu'elle regrette en outre que la salariée se soit toujours refusée à communiquer les informations quant à l'évolution de la procédure pénale diligentée contre Jean-Louis Y...et à laquelle l'employeur n'est pas partie ; que Nathalie X...s'est au demeurant opposée au sursis à statuer subsidiairement sollicité par l'employeur ; que les témoignages produits relatent des propos ou comportements de Jean-Louis Y...qui ne concernent pas directement la salariée, rapportent des propos qu'elle a tenus à ces personnes mentionnant ou laissant entendre qu'elle subissait des agissements pouvant relever du harcèlement moral ou sexuel sans qu'aucun des faits dont ces personnes ont été témoins puisse, de façon formelle, en établir la réalité ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que Nathalie X...doit être déboutée de sa demande au titre du préjudice moral distinct subi en raison du harcèlement moral et sexuel et l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur ; que ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur aucun manquement de nature à justifier la résiliation judiciaire à ses torts du contrat de travail de Nathalie X...; qu'aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de l'employeur, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a débouté Nathalie X...de ce chef ;
ALORS QU'il appartient seulement au salarié qui se prévaut d'un harcèlement moral ou sexuel d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que Mlle X..., salariée, versait aux débats des éléments établissant que l'attitude de harcèlement moral et sexuel imputable à M. Y...était connue au sein de l'association, employeur, instaurant des « malaises latents » et des « bruits de couloir », et que plusieurs salariés témoignaient de cette situation en faisant état des tentatives déplacées de l'intéressé sur le personnel féminin, ainsi que de ses critiques humiliantes et dévalorisantes à l'endroit de ses collaborateurs ; que ces éléments étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral et sexuel imputable à M. Y..., à charge dès lors pour l'employeur de justifier son attitude ; qu'en rejetant la demande de Mlle X...au titre d'un harcèlement moral et sexuel, au motif que les pièces versées aux débats par celle-ci n'établissaient pas « de façon formelle (¿) la réalité » du harcèlement allégué (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er), la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve de ce harcèlement et a ainsi violé l'article L. 1154-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mlle Nathalie X...de sa demande tendant au paiement de la somme de 81. 920 ¿ nets à titre de rappel de salaires, outre la somme de 8. 192 ¿ nets au titre des congé payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE Nathalie X...réclame un rappel de salaire à l'encontre de l'employeur qu'elle évalue à 81. 920 ¿ correspondant à la période de retrait légitime en l'absence de mesure prise par l'employeur pour y remédier ; que ce n'est que le 8 octobre 2007 que Nathalie X...a fait valoir son droit de retrait ; qu'elle a immédiatement produit un certificat médical d'arrêt de travail daté du 6 octobre 2007 et qui sera renouvelé jusqu'au 3 septembre 2010, jusqu'à épuisement de ses droits à indemnités journalières, mettant de fait un terme au droit de retrait qu'elle a exercé ; que pendant toute cette période, elle a bénéficié dans un premier temps de son salaire maintenu par son employeur jusqu'au 31 janvier 2008 puis des indemnités de l'assurance maladie complétée par des indemnités de la caisse de prévoyance Dexia, organisme d'assurance complémentaire à laquelle l'Institut de la Méditerranée a adhéré ;
ALORS QU'aucune retenue sur salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur s'étant retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa santé ; qu'en estimant que la demande de rappel de salaire présentée par Mlle X...au titre de la période postérieure à l'exercice de son droit de retrait était infondée, au seul motif que l'intéressée avait bénéficié durant la période litigieuse des indemnités maladie complétées par les indemnités de la caisse de prévoyance Dexia et sans rechercher si Mlle X...avait un motif raisonnable de penser que le maintien à son poste de travail présentait un danger grave et imminent pour sa santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4131-3 du code du travail.
Un salarié en arrêt de travail pour maladie ne peut pas faire jouer son droit de retrait.
Les faits
Mme X est engagée par l'association Institut de la Méditerranée le 5 novembre 2001 en qualité de chargée d'études. Le 6 octobre 2007, se plaignant de harcèlement moral et sexuel de la part d'un conseiller technique du président de l'association, elle est placée en arrêt de travail pour maladie, lequel a été renouvelé sans interruption jusqu'au 3 septembre 2010. Mais, deux jours après le début de son arrêt maladie, elle se ravise et informe son employeur qu'en fin de compte, elle exerce son droit de retrait. Dans une lettre adressée à sa hiérarchie, elle explique qu'elle s'est retirée de son poste de travail la veille de son arrêt maladie, et que de ce fait, elle n'est pas en arrêt pour des raisons médicales, mais bien parce qu'elle a eu « un motif raisonnable de penser qu'elle encourait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé », ce qui la situe dans le cadre de l'article L. 4131-1 du Code du travail (disposition qui encadre le droit de retrait au travail).
Le médecin du travail l'a alors déclarée inapte à tout poste de travail au sein de l'entreprise en visant un danger immédiat. Elle a été licenciée pour inaptitude par lettre du 28 septembre 2008, mais a avait auparavant saisi le conseil de prud'hommes de demandes en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour harcèlement moral et sexuel et en paiement de diverses sommes de plus de 80.000 euros correspondant à la période de retrait.
Ce qu’en disent les juges |
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Ce qu’il aurait fallu faire |
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Condamnation |
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Un salarié peut-il être licencié pour avoir exercé son droit de retrait ?
Jurisprudence Droit de retrait :
Source >
Cassation sociale, 28 janvier 2009, n° 07-44.556
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 28 janvier 2009 N° de pourvoi: 07-44556 Publié au bulletin Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme Collomp, président Mme Morin, conseiller rapporteur M. Duplat (premier avocat général), avocat général SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 231-8-1 devenu l'article L. 4131-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1121-1 du même code interprété à la lumière de l'article 8 § 4 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 ;
Attendu d'une part qu'aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif légitime de penser qu'elle présentait une danger grave ou imminent pour chacun d'eux ; d'autre part que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection et de sécurité au travail, doit en assurer l'effectivité ; qu'il s'ensuit qu'est nul le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 2 février 2007) que M. X... salarié de la société Sovab occupait un poste de peintre automobile sur une chaîne de peinture ; qu'apprenant la décision de l'employeur de ne laisser qu'une seule personne sur ce poste, il a signalé, le 16 janvier 2002, le risque présenté par cette décision, en raison du sol glissant de la cabine située au dessus d'une chaîne de montage avançant en continu sans qu'un autre opérateur de l'atelier puisse se rendre compte d'une éventuelle chute pour arrêter la chaîne ; que lors de sa prise de poste le 17 janvier 2002, il a exercé le droit de retrait prévu par l'article L. 231-8-1 devenu l'article L. 4131-3 du code du travail ; qu'il a alors refusé l'ordre de sa hiérarchie de rejoindre la cabine, tant qu'un second opérateur ne serait pas présent et de rejoindre un autre poste alors qu'il avait été remplacé ; qu'après avoir quitté l'atelier, il a repris son travail deux heures plus tard lorsque la décision de maintenir provisoirement un second opérateur sur ce poste a été prise, à l'issue de la réunion exceptionnelle du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail consulté sur le sujet ; que, pour prévenir les risques d'accidents dénoncés, des aménagements ont été apportés avec l'accord de l'inspecteur du travail du 1er février 2002 ; que le salarié a été licencié pour faute grave par une lettre du 30 janvier 2002 motivée par le refus abusif de se conformer à plusieurs reprises aux consignes de la hiérarchie, la remise en cause du pouvoir de l'employeur et un "abandon de poste" ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en demandant l'annulation de ce licenciement, sa réintégration et le paiement des salaires depuis son licenciement ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, la cour d'appel relève que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement à l'encontre de M. X... tiennent aux circonstances de l'exercice régulier de son droit de retrait, qu'ils ne sauraient dès lors ni caractériser une faute grave, ni constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement et ajoute que si ce licenciement est ainsi privé de cause, il n'est pas pour autant annulable ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait exercé régulièrement le droit de retrait et que les griefs formulés dans la lettre de licenciement tenaient aux circonstances de son exercice contesté par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement et dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 2 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Dit le licenciement de M. X... nul ;
Renvoie la cause et les parties pour qu'il soit statué sur les conséquences de cette nullité devant la cour de Metz ;
Condamne la société Sovab aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Thierry X... de ses demandes tendant à l'annulation de son licenciement, à sa réintégration et au paiement de l'intégralité des salaires et accessoires depuis son licenciement.
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L.231-8-1 du Code du travail, le salarié est en droit de se retirer de son poste de travail s'il estime que son exécution présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que l'exercice de retrait, dès lors qu'il est justifié, ne peut entraîner de retenue de salaire à l'encontre du salarié qui en a usé, que de même dans cette hypothèse, le salarié ne peut faire l'objet d'aucune sanction du fait d'avoir utilisé ce droit et s'il est licencié, il pourra demander réparation de son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse ; (…) ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les griefs reprochés à Monsieur X... relatifs à l'insubordination et à la désorganisation concernent tant l'exercice contesté de son droit de retrait que son refus de rejoindre un autre poste ; (…) ; qu'il apparaît ainsi que c'est à bon droit que Monsieur X... a exercé son droit de retrait, sans qu'aucun grief ne puisse lui être fait sur son refus réitéré de rejoindre son poste de travail en cabine voile 2 et sur la désorganisation qui s'en est suivie ; (…) ; qu'il en résulte que le licenciement est non pas annulable, mais dénué de cause réelle et sérieuse.
ALORS QU'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un salarié qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le licenciement de Monsieur Thierry X... était intervenu à raison de l'exercice légitime de son droit de retrait ; qu'en refusant d'annuler le licenciement de Monsieur Thierry X..., la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article L.231-8-1 du Code du travail ensemble les articles 8 § 4 et 13 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 relative à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.
Cesser de travailler en cas de danger grave et imminent est un droit pour le salarié. Il ne peut ni être sanctionné, ni voir sa rémunération diminuer lorsque le risque est avéré. Si l’employeur le licencie malgré tout, le licenciement est nul et le salarié peut demander à être réintégré.
Les faits
Un peintre automobile qui travaille sur une chaîne de peinture exerce son droit de retrait lorsqu’il apprend que son employeur a décidé de ne laisser qu’une seule personne sur le poste. Cette décision, selon lui, présente un risque. Le sol glissant de la cabine située au-dessus d’une chaîne de montage avançant en continu présente un danger en l’absence d’un autre opérateur de l’atelier. Si le salarié venait à chuter, personne ne s’en apercevrait et ne serait en mesure d’arrêter la chaîne.
Le salarié reprend son travail 2 heures plus tard lorsque la décision de maintenir provisoirement un second opérateur est prise à l’issue d’une réunion exceptionnelle du CHSCT.
Deux semaines après, il est licencié pour faute grave. La lettre de licenciement fait état du « refus abusif de se conformer à plusieurs reprises aux consignes données par l’encadrement, à la remise en cause du pouvoir de direction de l’employeur et de son autorité et à un abandon de poste ».
Le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour demander l’annulation de ce licenciement, sa réintégration et le paiement de son salaire depuis son licenciement.
Ce qu’en disent les juges |
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Ce qu’il aurait fallu faire |
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Condamnation |
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Egalement jugé
La formation de référé du conseil de prud’hommes peut valablement allouer aux salariés ayant utilisé leur droit de retrait une provision sur le salaire qui leur avait été retenu par l'employeur quand le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement a constaté un danger grave et imminent d'exposition des travailleurs à l'amiante et qu'un recours de l'employeur sur la validité de la procédure initiée par ce comité est en cours.
Le salarié qui se retire d’une situation de travail en raison d’un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, peut faire l’objet d’une retenue sur salaire s’il n’avait pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger. Il appartient au juge du fond, et non au juge du référé, d’apprécier l’existence de ce motif raisonnable.
Un simple courant d'air ne permet pas à un salarié d'invoquer une situation dangereuse. Il ne peut donc pas faire jouer son droit de retrait.
Le règlement intérieur de l'entreprise ne peut pas subordonner le droit de retrait du salarié à une procédure écrite.
Cassation sociale, 31 mars 2016, n° 14-25.237
La formation de référé du conseil de prud’hommes peut valablement allouer aux salariés ayant utilisé leur droit de retrait une provision sur le salaire qui leur avait été retenu par l'employeur quand le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement a constaté un danger grave et imminent d'exposition des travailleurs à l'amiante et qu'un recours de l'employeur sur la validité de la procédure initiée par ce comité est en cours.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 31 mars 2016 N° de pourvoi: 14-25237 14-25238 14-25239 14-25240 14-25241 14-25242 14-25243 14-25244 14-25245 14-25246 14-25247 14-25248 14-25249 14-25250 14-25251 14-25252 14-25253 14-25261 14-25262 14-25263 14-25264 14-25265 14-25266 14-25267 14-25268 14-25269 14-25270 14-25271 14-25272 14-25273 14-25274 14-25275 Publié au bulletin Rejet
M. Frouin (président), président SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 14-25. 237 à P 14-25. 253 et X 14-25. 261 à N 14-25. 275 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les ordonnances de référé attaquées (conseil de prud'hommes de Bobigny, 1er août 2014), que MM. X..., et autres, agents de la RATP exerçant leurs fonctions au sein de l'établissement matériel roulant ferroviaire à l'atelier Pleyel, à Saint-Denis, arguant de ce qu'ils constataient, dans le cadre de l'exécution de leur travail, une situation potentiellement dangereuse du fait de l'écaillage de peinture amiantée sur les rames en maintenance et que toutes leurs interventions s'étaient avérées vaines, ont utilisé leur droit de retrait selon les dispositions de l'article L. 4131-1 du code du travail ; que la RATP, contestant le motif raisonnable de l'utilisation du droit de retrait, a effectué une retenue de salaire pour absence injustifiée ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale, en référé, de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief aux ordonnances de lui ordonner de verser à chacun des salariés une provision à titre de rappel de salaire, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui se retire d'une situation de travail au motif qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé peut faire l'objet d'une retenue sur salaire s'il n'avait pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger ; qu'en cas de litige, la juridiction prud'homale, statuant au fond, est seule compétente pour se prononcer sur l'existence d'un motif raisonnable ; qu'au cas présent, la RATP faisait valoir que la formation des référés du conseil de prud'hommes ne pouvait se prononcer sur l'existence pour les salariés d'un motif raisonnable de penser qu'ils se trouvaient dans une situation qui présentait un danger pour leur vie ou leur santé ; qu'en estimant néanmoins que " c'est à bon droit que les salariés ont opéré leur droit de retrait pour danger grave et imminent " pour ordonner à la RATP le versement d'une somme à titre de provision sur la retenue de salaire, la formation des référés du conseil de prud'hommes a excédé ses pouvoirs et violé les articles R. 1455-5, R. 1455-6 et L. 4131-1 du code du travail ;
2°/ que le conseil de prud'hommes ne peut ordonner en référé le versement d'une provision sans vérifier si les conditions de compétence de la formation des référés sont remplies ; qu'en ordonnant à la RATP le versement d'une somme à titre de provision sur la retenue de salaire, sans caractériser l'existence des conditions relatives à la compétence de la formation des référés, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail ;
3°/ que le salarié qui se retire d'une situation de travail au motif qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé peut faire l'objet d'une retenue sur salaire s'il n'avait pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger ; qu'au cas présent, il est constant que la présence de peinture insonastic contenant de l'amiante se situait à des endroits précisément identifiés mais non accessibles aux agents et qui ne pouvaient donc donner lieu à aucune intervention susceptible de libérer des fibres d'amiante, que les salariés des ateliers de Châtillon et Pleyel effectuaient des travaux d'entretien et de maintenance identiques sur les mêmes rames et que les prélèvements réalisés en situation de travail au sein de l'atelier de Châtillon n'avaient révélé aucune présence de fibre d'amiante ; qu'il résultait de ces prélèvements portés à la connaissance des salariés, que la présence de peinture insonastic au sein de rames de la ligne 13 ne faisait courir aux salariés en charge de la maintenance et de l'entretien de ces rames aucun risque d'inhalation de fibres d'amiante ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer les salariés fondés à exercer leur droit de retrait, que les tests pratiqués au sein de l'atelier de Châtillon " ne peuvent être considérés comme pouvant être transcrits au site de Pleyel " au motif que " la société ne rapportait pas la preuve que les conditions de travail identiques produisent les mêmes résultats de test et cela quelque soit l'environnement de travail ", sans caractériser la moindre circonstance relative à l'environnement de travail au sein de l'atelier de Pleyel de nature à laisser penser aux salariés de cet atelier qu'ils étaient exposés à un risque particulier, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail ;
4°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'au cas présent, les salariés ne contestaient pas, dans leurs conclusions écrites et orales, que les conditions de travail étaient identiques au sein des ateliers de Châtillon et de Pleyel, et n'ont jamais fait part d'une quelconque différence liée à l'environnement de travail au sein de ces deux ateliers, ni n'ont soutenu que les tests réalisés au sein de l'atelier de Châtillon ne pouvaient pas être transposés au sein de l'atelier de Pleyel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé les articles 4 et 7 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en l'absence de dispositions excluant l'exercice de ses pouvoirs, prévus par les articles R. 1455-5 à R. 1455-8 du code du travail, la formation de référé du conseil de prud'hommes ne peut se voir interdire de statuer ;
Et attendu que la formation de référé, qui, sans modifier l'objet du litige, a relevé que le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement avait constaté un danger grave et imminent d'exposition des travailleurs de Pleyel à l'amiante et qu'un recours de l'employeur sur la validité de la procédure initiée par ce comité n'avait toujours pas abouti, n'a pas excédé ses pouvoirs tirés de l'article R. 1455-7 du code du travail en allouant aux salariés une provision sur le salaire qui leur avait été retenu par l'employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la RATP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la RATP à payer une somme globale de 3 000 euros à MM. X..., et autres ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen commun produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens, demanderesse aux pourvois n° W 14-25. 237 à P 14-25. 253 et X 14-25. 261 à N 14-25. 275,
Il est fait grief aux ordonnances attaquées d'AVOIR ordonné à la RATP de verser à chacun des salariés défendeurs aux pourvois une provision à titre de rappel de salaire ;
AUX MOTIFS QUE « sur la compétence de la formation des référés. Qu'il ressort des dispositions de l'article R. 1455-5 du code du travail que dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire (Art. 1455-7) ; que l'article R. 1455-6 du code du travail énonce que la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. En l'espèce, l'absence de trouble manifestement illicite et la prévention d'un dommage imminent ainsi que le caractère sérieux des contestations évoquées par la partie défenderesse ne pouvant être déterminé qu'après avoir entendu les plaidoiries des parties. La formation des référés se dit compétente pour connaître du litige. Sur la demande de constater l'existence d'un motif raisonnable et la légitimité du droit de retrait et la demande de rappel de salaire. Que l'article L. 4131-1 du code du travail dispose : « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection ». Que l'article L. 4131-2 du code du travail dispose que le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, en alerte immédiatement l'employeur selon la procédure prévue au premier alinéa de l'article L. 4132-2 ; que l'article L. 4131-3 du code du travail dispose : « Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux ». En l'espèce, le CHS-CT de l'établissement de Pleyel constatait un danger grave et imminent d'exposition des travailleurs de Pleyel à l'amiante suite à une enquête réalisée par ses soins, et après avoir relevé la présence d'écaillage d'insonastic amianté, bien que des recouvrements aient été apposés par la société en responsabilité du désamiantage des rames. Dans ces conditions, il préconisait de faire cesser toute activité de maintenance sur les trains de la ligne 13 dans l'attente de la mise en oeuvre des travaux ou protections recommandées. De plus, dans les conclusions de la partie défenderesse, il est indiqué que « la technicité d'une rame de métro rend impossible le remontage de toutes les pièces, de la peinture insonastic contenant de l'amiante à hauteur de 12 à 25 % d'amiante est restée présente au niveau des sous caisses des rames ». Cet état de fait laissant planer le doute sur le risque possible de contamination de l'environnement par des fibres d'amiante, la société a fait réaliser des prélèvements aux fins de déterminer la présence de fibre d'amiante dans l'air ambiant, ces prélèvements, effectués par le laboratoire indépendant BJL, ont été réalisés dans les ateliers de Chatillon et non dans les ateliers de maintenance de Pleyel, lieu de travail de Monsieur X.... Ces tests qui n'ont révélé aucune présence de fibre amiante dans les ateliers de Chatillon, ne peuvent être considérés comme pouvant être transcrits sur le site de Pleyel, la société n'apportant pas la preuve que les conditions de travail identiques produisent les mêmes résultats de test et cela quelque soit l'environnement de travail. Enfin, le recours effectué par la société devant le TGI, suite au vote du CHSCT sur le danger grave et imminent, n'a pas à ce jour apporté de réponse quant à la validité ou non de la procédure initiée. En conséquence, le conseil en sa formation des référés, constate que c'est à bon droit que les salariés ont opéré leur droit de retrait pour danger grave et imminent ; que la société ne pouvait dès lors opérer de retenue de salaire au titre du code 800, correspondant à des absences. Ordonne le versement de la somme de 121, 08 € à titre de provision sur la retenue de salaire » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le salarié qui se retire d'une situation de travail au motif qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé peut faire l'objet d'une retenue sur salaire s'il n'avait pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger ; qu'en cas de litige, la juridiction prud'homale statuant au fond est seule compétente pour se prononcer sur l'existence d'un motif raisonnable ; qu'au cas présent, la RATP faisait valoir que la formation des référés du conseils de prud'hommes ne pouvait se prononcer sur l'existence pour les salariés d'un motif raisonnable de penser qu'ils se trouvaient dans une situation qui présentait un danger pour leur vie ou leur santé ; qu'en estimant néanmoins que « c'est à bon droit que les salariés ont opéré leur droit de retrait pour danger grave et imminent » pour ordonner à la RATP le versement d'une somme à titre de provision sur la retenue de salaire, la formation des référés du conseil de prud'hommes a excédé ses pouvoirs et violé les articles R. 1455-5, R. 1455-6 et L. 4131-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le conseil de prud'hommes ne peut ordonner en référé le versement d'une provision sans vérifier si les conditions de compétence de la formation des référés sont remplies ; qu'en ordonnant à la RATP le versement d'une somme à titre de provision sur la retenue de salaire, sans caractériser l'existence des conditions relatives à la compétence de la formation des référés, la conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le salarié qui se retire d'une situation de travail au motif qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé peut faire l'objet d'une retenue sur salaire s'il n'avait pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger ; qu'au cas présent, il est constant que la présence de peinture insonastic contenant de l'amiante se situait à des endroits précisément identifiés mais non accessibles aux agents et qui ne pouvaient donc donner lieu à aucune intervention susceptible de libérer des fibres d'amiante, que les salariés des ateliers de Chatillon et Pleyel effectuaient des travaux d'entretien et de maintenance identiques sur les mêmes rames et que les prélèvements réalisés en situation de travail au sein de l'atelier de Chatillon n'avaient révélé aucune présence de fibre d'amiante ; qu'il résultait de ces prélèvements portés à la connaissance des salariés, que la présence de peinture insonastic au sein de rames de la ligne 13 ne faisait courir aux salariés en charge de la maintenance et de l'entretien de ces rames aucun risque d'inhalation de fibres d'amiante ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer les salariés fondés à exercer leur droit de retrait, que les tests pratiqués au sein de l'atelier de Chatillon « ne peuvent être considérés comme pouvant être transcrits au site de Pleyel » au motif que « la société ne rapportait pas la preuve que les conditions de travail identiques produisent les mêmes résultats de test et cela quelque soit l'environnement de travail », sans caractériser la moindre circonstance relative à l'environnement de travail au sein de l'atelier de Pleyel de nature à laisser penser aux salariés de cet atelier qu'ils étaient exposés à un risque particulier, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'au cas présent, les salariés ne contestaient pas, dans leurs conclusions écrites et orales, que les conditions de travail étaient identiques au sein des ateliers de Chatillon et de Pleyel, et n'ont jamais fait part d'une quelconque différence liée à l'environnement de travail au sein de ces deux ateliers, ni n'ont soutenu que les tests réalisés au sein de l'atelier de Chatillon ne pouvaient pas être transposés au sein de l'atelier de Pleyel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé les articles 4 et 7 du code de procédure civile.
Cassation sociale, 30 mai 2012, n° 10-15.992
Le salarié qui se retire d’une situation de travail en raison d’un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, peut faire l’objet d’une retenue sur salaire s’il n’avait pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger. Il appartient au juge du fond, et non au juge du référé, d’apprécier l’existence de ce motif raisonnable.
Références
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 30 mai 2012 N° de pourvoi: 10-15992 Non publié au bulletin Rejet
M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président SCP Roger et Sevaux, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 mars 2009), que Mme X... a été engagée par la société Socopoint en qualité de décoratrice ; qu'elle était titulaire de différents mandats de représentant du personnel ; qu'ayant exercé à compter du 18 octobre 2006 son droit de retrait d'une situation dangereuse tel que prévu par les articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail, elle a saisi la formation des référés de la juridiction prud'homale en décembre 2006 afin d'obtenir le paiement des salaires dus depuis le mois de novembre 2006 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors selon le moyen, que le non-paiement du salaire à un salarié ayant exercé son droit de retrait constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient à la juridiction des référés de faire cesser, même en présence d'une contestation sérieuse ; qu'ayant constaté que l'autorité administrative avait estimé que l'exercice par Mme X... de son droit de retrait était justifié, ce qui excluait que l'employeur puisse effectuer quelque retenue sur son salaire, ce dont il résultait que le non-paiement de celui-ci constituait effectivement un trouble manifestement illicite dans les circonstances de l'espèce, peu important que la décision du ministre ait fait l'objet d'un recours, non suspensif, devant la juridiction administrative, la cour d'appel qui a méconnu la portée de ses propres énonciations a violé les articles R. 1455-6, L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail ;
Mais attendu que le salarié qui se retire d'une situation de travail au motif qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé peut faire l'objet d'une retenue sur salaire s'il n'avait pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger ; que le juge du fond apprécie souverainement l'existence de ce motif raisonnable ;
Et attendu qu'ayant relevé que, si l'inspecteur du travail avait bien estimé que la salariée avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa santé, cette décision avait été déférée devant le juge administratif, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu à référé, le juge du fond étant seul compétent pour se prononcer sur l'existence d'un motif raisonnable ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à voir condamner son employeur à lui payer les salaires échus depuis le mois de novembre 2006 et à lui remettre sous astreinte les bulletins de paye rectifiés correspondants ;
Aux motifs que bien que la société ait cru devoir fonder sa demande d'autorisation administrative de licenciement du 2 mars 2007 non seulement sur le refus de Madame Francette X... « de reprendre son poste » mais également, pour faire bonne mesure, sur « son attitude systématique d'opposition, de contestation, de harcèlement … », il est constant que l'inspecteur du travail, dans sa décision de refus en date du 3 mai 2007, soutient notamment que « Madame X... avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa santé et sa sécurité ; qu'il résulte de ce qui précède que l'employeur a manqué aux obligation précitées relatives à la sécurité et à la santé des travailleurs … ; que dans ces conditions le maintien de Madame X... au poste de travail était impossible ; que dès lors le motif d'absence injustifiée et de refus de reprendre son poste n'est pas avéré et ne justifie pas le licenciement de l'intéressée » ; que plus explicitement encore, la décision ministérielle du 31 octobre 2007 affirme que « l'exercice du droit de retrait par Madame X... est donc justifié » ; que dès lors que cette dernière décision fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif et qu'elle n'est donc pas définitive, le juge judiciaire ne peut considérer qu'elle s'impose aux parties au contrat de travail et que le défaut de rémunération d'une absence, qui reste justifiée par le seul exercice du droit de retrait depuis 30 mois, caractérise un trouble manifestement illicite ; que c'est en effet au juge administratif qu'il appartiendra de se prononcer sur le bien-fondé du recours à la notion de « droit de retrait » pour justifier l'absence au travail de la salariée protégée, après avoir établi comment l'exercice d'un « droit de retrait » à compter du 5 octobre 2006, fondé par la salariée concernée sur l'apparition de « démangeaisons » dues à l'utilisation d'un « siège inadapté » et circonscrites aux parties du corps en contact avec ce siège situé dans un local non sécurisé, situation amenant l'inspecteur du travail à évoquer un possible acte de malveillance et l'utilisation de « poil à gratter » (22 novembre 2006), peut être déclaré par ce même inspecteur du travail ( 3 mai 2007) en considération de la toxicité et de la nocivité des « produits chimiques » susceptibles d'être manipulés par la salariée dans l'exercice de son emploi, dont il fait la description exhaustive et l'analyse approfondie sans autre indication sur la date à laquelle l'intéressée aurait manipulé l'un ou l'autre de ces produits pour la dernière fois, et être compatible avec l'affirmation du ministre (30 octobre 2007) selon laquelle « Madame X..., souffrant de démangeaisons à cause du stockage de produits chimiques irritants et nocifs dans son atelier a exercé son droit de retrait … » ; que cette évolution du langage n'ayant rien de sémantique, le recours devant le tribunal administratif constitue incontestablement une contestation très sérieuse qui s'oppose à ce que le juge des référés retienne sa compétence, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer sur ce point ;
Alors que le non-paiement du salaire à un salarié ayant exercé son droit de retrait constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient à la juridiction des référés de faire cesser, même en présence d'une contestation sérieuse ; qu'ayant constaté que l'autorité administrative avait estimé que l'exercice par Madame X... de son droit de retrait était justifié, ce qui excluait que l'employeur puisse effectuer quelque retenue sur son salaire, ce dont il résultait que le non-paiement de celui-ci constituait effectivement un trouble manifestement illicite dans les circonstances de l'espèce, peu important que la décision du Ministre ait fait l'objet d'un recours, non suspensif, devant la juridiction administrative, la Cour d'appel qui a méconnu la portée de ses propres énonciations a violé les articles R.1455-6, L.4131-1 et L.4131-3 du Code du travail ;
Cassation sociale, 17 octobre 1989, n° 86-43.272
Un simple courant d'air ne permet pas à un salarié d'invoquer une situation dangereuse. Il ne peut donc pas faire jouer son droit de retrait.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 17 octobre 1989 N° de pourvoi: 86-43272 Non publié au bulletin Rejet
Président : M. COCHARD, président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Madame Solange Y..., demeurant ..., à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine),
en cassation d'un arrêt rendu le 9 mai 1986 par la cour d'appel de Versailles (5ème chambre - 2ème section), au profit de la société anonyme AUXILEC, dont le siège est à Malakoff (Hauts-de-Seine), ...,
défenderesse à la cassation.
LA COUR, en l'audience publique du 11 juillet 1989, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Waquet, conseiller rapporteur, MM. Caillet, Valdès, Lecante, Renard-Payen, conseillers, MM. Z..., Bonnet, Mmes X..., Marie, conseillers référendaires, M. Franck, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Waquet, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Auxilec, les conclusions de M. Franck, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique :
Attendu que Mme Y..., secrétaire au service de la société Auxilec, a été licenciée le 19 juillet 1984 ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 9 mai 1986) d'avoir débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts, pour rupture abusive, alors, selon le moyen, que l'employeur ne pouvait reprocher à Mme Y... d'avoir quitté son bureau en raison des courants d'air auxquels elle était exposée ni de refuser de réintégrer ce bureau, puisqu'elle avait exercé le droit de retrait prévu par l'article L. 231-8 du Code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir que la salariée ne pouvait prétendre avoir un motif raisonnable de penser que les courants d'air, dont elle se plaignait, présentaient un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ; qu'elle a relevé par ailleurs que le comportement consistant, sans autorisation préalable, à quitter son bureau pour aller s'installer dans un autre local, ainsi que le refus de réintégrer le bureau d'origine, constituaient des actes caractérisés d'indiscipline ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a décidé dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article 122-14-3 du Code du travail, par une décision motivée, que le licenciement procédant d'une cause réelle et sérieuse ; Que les griefs du pourvoi ne sauraient être accueillis ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Conseil d'État, 30 novembre 1990, n° 89.253
Le règlement intérieur de l'entreprise ne peut pas subordonner le droit de retrait du salarié à une procédure écrite.
Conseil d'Etat statuant au contentieux
N° 89253 Inédit au recueil Lebon
1 SS de Bellescize, rapporteur Tuot, commissaire du gouvernement
lecture du vendredi 30 novembre 1990
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 10 juillet 1987 ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 mai 1987 du tribunal administratif de Lyon en tant que ce jugement a annulé, à la demande de la société Maneurop, la décision de l'inspecteur du travail de Bourg-en-Bresse en date du 23 septembre 1983 et la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de la région Rhône-Alpes en date du 2 février 1984 demandant le retrait ou la modification de l'article 1, paragraphe 111 contenu dans le règlement intérieur établi par la société Maneurop pour ses établissements de Reyrieux et de Trévoux ;
2°) de rejeter la demande présentée pour la société Maneurof devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.122-34 du code du travail : "Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : - Les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ; - Les règles générales et permanentes relatives à la discipline ..." ; qu'aux termes de l'article L.122-35 du même code : "Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements ... Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché" ; qu'en vertu de l'article L.122-37, l'inspecteur du travail peut exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L.122-34 et L.122-35 ; qu'enfin, l'article L.122-37 dispose que "la décision de l'inspecteur du travail ... peut faire l'objet dans les deux mois d'un recours auprès du directeur régional du travail et de l'emploi ..." ;
Considérant que, dans sa rédaction soumise à l'inspecteur du travail, l'article 1, paragraphe 111 du règlement intérieur établi par la société Maneurop pour ses établissements de Reyrieux et de Trévoux dispose que : "Tout salarié qui aura un motif raisonnable de penser qu'une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé devra, à titre d'élément de preuve, en avertir immédiatement l'agent de maîtrise au lieu et à l'heure de ce danger ... et consigner par écrit toutes les informations concernant le danger estimé grave et imminent sur les cahiers existants dans chaque atelier " ;
Consdérant qu'aux termes de l'article L.231-8 du code du travail "Le salarié signale immédiatement à l'employeur ou à son représentant toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé", et qu'aux termes de l'article L.231-8-1 : "Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié ou d'un groupe de salariés qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux" ; que si ces dispositions impliquent que le salarié est tenu de signaler immédiatement l'existence d'une situation de travail qu'il estime dangereuse, elles ne l'obligent pas à le faire par écrit ; qu'ayant pour effet d'obliger le salarié à faire connaître par écrit les motifs de son retrait, les dispositions précitées du règlement intérieur établi par la société Maneurop pour ses établissements susmentionnés imposent aux salariés de ces entreprises, dans l'exercice de leur droit de retrait, une sujétion qui n'est pas justifiée par les nécessités de la sécurité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de la région Rhône-Alpes en date du 2 février 1984 en tant que, par ladite décision, le directeur régional a confirmé celle de l'inspecteur du travail de Bourg-en-Bresse en date du 23 septembre 1983 exigeant la modification ou le retrait de l'article 1, paragraphe 111 du règlement intérieur litigieux ; Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 mai 1987 est annulé en tant qu'il annule la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de la région Rhône-Alpesen date du 2 février 1984 en tant que, par ladite décision le directeur régional a confirmé celle de l'inspecteur du travail de Bourg-en-Bresse en date du 23 septembre 1983 exigeant la modification de l'article 1°, paragraphe 111 du règlement intérieur établi par la société Maneurop pour ses établissements de Reyrieux et de Trévoux ; Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon par la société Maneurop est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Maneurop et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
Aller plus loin
TEXTES OFFICIELS
C. trav., art. L. 4131-3 (non-sanction en cas de retrait), L. 4132-1 (conditions du droit de retrait).
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